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Festival de Sitges : pionnier un jour, pionnier toujours

  • Xanaé Bove
  • 2023-10-20

Tout premier au monde à avoir mis en avant le genre fantastique, le festival international, qui a lieu tous les ans en Catalogne, offre une plateforme rare aux réalisatrices européennes. On y était et on vous raconte ce qu’on y a vu.

Record de longévité de diffusion du cinéma fantastique, le festival international du film de Sitges (créé en 1968) est aussi le premier à initier une rencontre de réalisatrices européennes spécialisées dans le genre : « Fantastic Geogenre » s’inscrit dans le cadre du programme WIF(« WomanInFan »). En 2021, estimant que la place des réalisatrices est encore plus minoritaire dans le fantastique que dans d’autres catégories, la fondation du festival a créé le WIF, pour établir une parité. 

Le WIF, qui a organisé des tables rondes autour de la place des femmes réalisatrices dans le cinéma fantastique, avance que, pendant longtemps, tout ce qui appartenait au secteur de l’horreur, de l’action et du thriller était considéré comme l’apanage de sensibilités masculines. Et si la situation des réalisatrices diffère beaucoup d’un pays à l’autre, les productions nord et sud-américaines devancent nettement la production européenne.

Côté sélection, le festival applique-t-il ce qu’il préconise ? Sur cinquante longs en compétition officielle, cinq sont l‘œuvre de femmes, dont deux en coréalisation. La tendance est globalement à la testostérone : les sections « Panorama » (thème fantastique et/ou horreur) ne comptent que quatre réalisatrices pour vingt-deux longs.  Aucune femme n’apparaît dans « Orbita » (qui fait la part belle à un fantastique mâtiné de thriller, d’arts martiaux et d’action).

« NOUVELLES VISIONS »

En revanche, les réalisatrices sont bien présentes dans la catégorie « Nouvelles visions ». Hybridation de genre, création d’un nouveau langage et expérimentation... On compte dans cette catégorie cinq femmes pour vingt-cinq fictions et sept pour quinze courts-métrages. La relève féminine mélange de façon vivifiante des genres en vogue (horreur, fantastique, gore, thriller…) en les faisant se télescoper avec des standards plus classiques, de la comédie romantique au drame.

Ainsi, le film de la Québécoise Ariane Louis-Seize au titre éloquent, Vampire humaniste cherche suicidaire consentant (à découvrir en salles en mars 2024), détourne de façon ludique et horrifique le coming-of-age (ou récit initiatique). Son héroïne est la paria de sa fratrie de vampires, son empathie innée l’empêchant de passer à l’action. Un jour, elle rencontre un suicidaire velléitaire…  La cinéaste vient de recevoir deux prix au festival de Venise et de Montréal et une mention spéciale pour son scénario à Sitges.

Le combinaison film de vampires et coming-of-age inspire toujours comme dans le premier long de Céline Rouzet, En attendant la nuit, et dans Tiger Stripes d’Amanda Nell Eu (Grand prix à la Semaine de la Critique au Festival de Cannes cette année, le film sortira chez nous en mars). La jeune cinéaste malaisienne imprègne son film de body horror (perturbation de la chair) sous un angle féministe.

Longtemps terreau des hommes (le maître David Cronenberg en tête), ce genre se retrouve aussi dans Appendage de l’Américaine Anna Zlokovic, qui opère une surprenante fusion entre body horror et comédie noire.  La domestic horror (terreur au foyer), classique du genre, est au cœur du beau drame psychologique, Superposition. La Danoise Karoline Lyngbye plonge une jeune famille dans un gouffre d’inquiétante étrangeté en lui faisant rencontrer ses doubles.

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Un des films de clôture revisite le mythe de Frankenstein version girly. Il s’agit de Birth/Rebirth  de la jeune New-Yorkaise Laura Moss, qui a fait sensation au dernier festival de Sundance.

Carlota Pereda combine intelligemment mélodrame et film de terreur dans La Ermita. En tissant un fil narratif entre une malédiction remontant à la peste noire et une enfant douée qui veut s’associer à une fille de médium, son film est une belle métaphore de cette transmission de sorcières en sorcières. La Madrilène, gagnante du Méliès d’or 2022, revient à Sitges avec un film d’autrice soutenu par Filmax, un des plus grands groupes cinématographiques d'Espagne. Pereda nous a confié avoir pu enchaîner facilement, son premier long, Piggy, ayant été un grand succès en Espagne. Ce n’est – hélas ! – pas le cas de ses collègues. La cinéaste estime que les thèmes évoluent, car rien n’est pur dans le genre fantastique ; il contamine tout, créant des hybridations.

Carlota Pereda (au centre) avec ses deux producteurs

Le Festival de Sitges a également rendu hommage à l’Américaine Mary Lambert, une des pionnières du clip (dont un certain Like a Virgin) et une des deux seules réalisatrices (contre cinquante-quatre réalisateurs) à avoir adapté Stephen King en 1989. Son Simetierre (avec Stephen King himself, dans le rôle d’un prêtre), est le hit des films d’horreur réalisés par une femme.

UN NOUVEAU GIRL POWER

À l’écran, certains personnages féminins fascinent. Descendantes d’Indiens de la côte pacifique mexicaine (le peuple huichol) massacrés, elles s’initient à la sorcellerie dans le film mexicain Sorcery de Christopher Murray. Subissant le patriarcat, elles traversent des mondes parallèles dans le film pakistano-canadien In Flames de Zarrar Kahn. Revenues d’entre les morts, elles hantent leurs bourreaux de façon inventive. Comme dans You'll Never Find Me de Josiah Allen et Indianna Bell et The Funeral de Orçun Behram, qui créent une nouvelle génération combative de fantômes, de fantasmes ou de vampires, déterminée à ce que l’histoire ne se répète pas pour d’autres femmes.  

In Flames

Le Festival de Sitges s'est achevé le 15 octobre. When Evil Lurks du cinéaste argentin Demián Rugna a remporté le prix du meilleur film.

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