Cannes 2024CinémaPETIT ÉCRANCultureQUEER GAZEDIVINE GANGI.A. QUOI ?Le magazine
  • Article
  • 5 min

« L’Ombre du feu  » : un semblant de vie

  • Justine Carbon
  • 2024-04-30

[Critique] Cinq ans après le ténébreux film de sabre « Killing », sur l'affrontement entre des malfrats et un samouraï, Shinya Tsukamoto revient avec « L’Ombre du feu », rareté virtuose qui raconte le destin fragile de trois rescapés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

« Le prix de ces 70 années de paix [au Japon] est une tendance à détourner le regard de la mort », explique Shinya Tsukamoto, réalisateur du furieux Testuo, dans le livret Shinya Tsukamoto, L’acier, la chair et la mort écrit par Julien Sévéon en 2023 et disponible dans le Coffret Blu-ray - 10 films de Carlotta.

Dans L’Ombre du feu, Shinya Tsukamoto s’intéresse justement aux séquelles psychologiques de la guerre. Unique survivante de sa famille après les bombardements américains, une jeune femme (Shuri) passe son temps enfermée dans un bar et survit grâce aux passages de clients. Jusqu'au jour où à ce quotidien morose, viennent se greffer un enfant chapardeur (Oga Tsukao) et un soldat démobilisé et traumatisé (Hiroki Kōno)...

Prenant le temps d'un long générique d'ouverture, le film fait lanterner les spectateurs en retardant les dialogues et la présence des acteurs à l’image. Ainsi, le réalisateur ne présente pas ses protagonistes. Aux identités indéterminées s’ajoute un trouble temporel, traduit ici par une suite de fondus enchaînés.

L’Ombre du feu est structuré par des bascules de points de vue. La place de personnage principal est ainsi transmise de personnage en personnage. Avec ce dispositif narratif, le cinéaste offre un éventail de vécus, illustrant les multiples conséquences de la guerre, qui ne pollue pas de la même manière la vie d’une femme, d’anciens combattants, ou encore d’un enfant. 

Le repli sur soi et le voyage sont deux pistes explorées par le cinéaste. Les personnages s’orientent dans ces deux trajectoires et essayent, du mieux qu’ils peuvent, de choisir : une issue définitive ou le début d’un parcours de reconstruction. 

En faisant le choix de la contemplation, plutôt que des flashbacks explicatifs, Shinya Tsukamoto réussit à portraiturer l’impossibilité du deuil et de la reconstruction post-guerre, au travers de trois personnages démunis face au quotidien.

L'Ombre du feu (Carlotta, 1h35), sortie le 1er mai 2024

Image : © Shinya Tsukamoto - Kaijyu Theater

Inscrivez-vous à la newsletter

Votre email est uniquement utilisé pour vous adresser les newsletters de mk2. Vous pouvez vous y désinscrire à tout moment via le lien prévu à cet effet intégré à chaque newsletter. Informations légales

Retrouvez-nous sur