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« Milla » : un coming-of-age aux mille éclats

  • Gautier Roos
  • 2021-07-26

Le premier long métrage de Shannon Murphy dresse le portrait lumineux d’une ado malade, asphyxiée par une famille protectrice mais au bord de la crise de nerfs. Cette subtile comédie sur le dérèglement est à revoir en ce moment sur Arte.

Milla, 16 ans, s’entiche de Moses, un toxicomane débraillé qui brûle la vie par les deux bouts et qui n’a absolument aucun plan pour l’avenir. La jeune fille est dans une position similaire, pour une tout autre raison : condamnée par une grave maladie, elle se doit de profiter comme elle peut des instants qui lui restent.

Dans ces conditions, ses parents sont bien obligés d’accepter la présence sous leur toit du bohémien consumé de 23 ans (et de sa queue-de-rat, qui fait tache au milieu d’un foyer qui a tout de la famille rangée). On ne sait d’ailleurs pas s’il aime la jeune fille sous traitement ou s’il est d’abord là pour piocher à l’œil dans l’immense trousse à pharmacie familiale (le père de Milla est psy, sa mère, une ex-­pianiste à succès, encline à la surmédication)…

L’instabilité fait rage au sein d’une famille en apparence modèle, et chaque personnage entretient ici un rapport plus ou moins prononcé avec une certaine dépression pavillonnaire, rappelant en cela American Beauty (2000) de Sam Mendes.*

L’une des grandes forces du film, c’est de ne pas jouer la carte du manifeste, de procéder plus par subtils à-coups comiques que par injonctions lacrymales. Au sein d’un territoire aussi balisé par le cinéma indé – l’adolescence difficile, la maladie, la crise de la cinquantaine –, Milla apporte une réelle fraîcheur au coming-of-age, mettant l’accent sur des ruptures de ton (les silences suivant les moments de bavardage effréné, un regard qui brise le quatrième mur, l’emploi d’une partition dissonante pour accompagner le chaos interne des personnages).

La caméra semble elle-même épouser un rythme cyclothymique, s’interdisant le plan totalement fixe : c’est aussi le projet d’un film construit autour de la frustration et de l’addiction. Récompensé à la dernière Mostra (Prix du meilleur espoir pour Toby Wallace), ce premier long en provenance d’Australie rappelle le décalage constant des premiers Jane Campion, notamment Sweetie (1990), dans lesquels le rire débraillé côtoie l’effroi. Et augure de très bonnes choses pour la suite.

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