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Vu à Cinemed : « Madame Hofmann » de Sébastien Lifshitz, au plus près
- David Ezan
- 2023-11-03
Dans une veine portraitiste qui a fait ses plus beaux documentaires, Sébastien Lifshitz raconte cette fois l’hôpital public, à travers la fuite en avant d’une infirmière cadre sur le point de prendre sa retraite. Le film était présenté en avant-première au Festival Cinemed.
En 2020, la crise sanitaire est à son comble quand les équipes de Sébastien Lifshitz contactent Sylvie Hofmann, alors infirmière cadre au service oncologie à l’hôpital nord de Marseille. Et la rencontre de virer au coup de cœur. « J’ai accepté qu’il me filme, à condition qu’il ne soit pas dans mes pattes », confie-t-elle avec humour au Festival Cinemed.
Tout à la fois invisible et très proche, Lifshitz la suivra deux années durant ; deux années éprouvantes jusqu’à une retraite tant espérée. Non seulement à l’hôpital, mais aussi dans sa vie rythmée par les visites à sa mère malade, à son petit-fils ou même à d’autres médecins. C’est que Sylvie est rattrapée par 40 ans de dévotion, à sa famille comme à ce « métier du soin » qu’elle a hérité de sa propre mère ; métier qu’elle aime et qui la mine lentement mais sûrement. Comment raconter au plus juste un tel phénomène de société ?
À la manière de son précédent film Petite fille (2020), sur la question du déterminisme genré, Lifshitz fait du portrait un puissant révélateur social. Filmer un corps habité par l’usure du travail et les aléas de la vieillesse, c’est rendre compte du système qui l’épuise. C’est nous impliquer aussi émotionnellement, sans filtre théorique. Ni barrière de la fiction, qui s’avère parfois fantasmée ou misérabiliste ; le cinéaste filme la vie en train de se faire.
A voir : "Petite fille" de Sébastien Lifshitz
Lire l'articleC’est d’ailleurs ce qui impressionne : cette capacité à saisir l’instant, à en extraire un récit dont les meilleurs scénaristes n’auraient pas même rêvé. N’ayons pas peur des mots : on touche ici à la magie pure, à un rêve de cinéma au sens littéral. En l’occurrence via une méthode qui exige le temps long, raconter une vie documentaire avec autant d’intensité, si ce n’est plus encore que la fiction – au point d’en ringardiser la mécanique trop bien huilée.
Sébastien Lifshitz : « Faire du documentaire, c’est une manière d’interroger l’époque que je vis »
Lire l'entretienC’est que Lifshitz s’en réapproprie finement le langage formel et les schémas narratifs, au service d’un projet autrement passionnant : celui de restituer au réel un panache et une liberté de ton comme il n’en existe nulle part ailleurs, à l’instar de sa géniale héroïne d’un jour.
Le film sortira le 10 avril 2024 dans nos salles.