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« L’Indomptable Feu du printemps » : feu sacré

  • Joséphine Leroy
  • 2021-07-26

Lemohang Jeremiah Mosese signe une fable fiévreuse et spirituelle, située dans les paysages impérieux du Lesotho, en Afrique du Sud, et inspirée par ses souvenirs d’enfance.

À 80 ans, Mantoa est la doyenne d’un village niché dans les montagnes du Lesotho, royaume enclavé dans l’Afrique du Sud. La vie n’a fait aucun cadeau à cette veuve qui perd son fils et assiste, impuissante, à une complète désintégration : alors que les tombes des défunts disparaissent mystérieusement, la construction d’un barrage menace d’engloutir la vallée. À l’aube de sa propre mort, Mantoa mobilise ses dernières forces pour soulever un élan de spiritualité dans sa communauté…

Après I Am Suffocating. This Is My Last Film About You (2019), Lemohang Jeremiah Mosese (qui explore dans ses courts et ses installations vidéo la mémoire, l’identité, la mort) réalise un deuxième long puissant et personnel (il est né et a grandi au Lesotho, avant de s’installer à Berlin), imprégné d’art sacré.

De tous les plans (très picturaux), le visage de Mantoa – incarnée par l’impressionnante actrice sud-africaine Mary Twala, décédée en 2020 – est semblable à celui d’une madone aux traits tirés. D’abord isolée, cette icône frêle entraîne dans sa marche funèbre des voix et des corps (un conteur, un chœur de femmes pareil à ceux de l’Antiquité) qui reprennent souffle et vie, dans un crescendo dramatique magnifiquement amené. Un feu sacré qui envahit et marque définitivement les esprits.

3 QUESTIONS À LEMOHANG JEREMIAH MOSESE

Quelle a été la genèse du film ?

Il est né de souvenirs liés à ma grand-mère. L’histoire de la construction du barrage est vraie, mais, ce qui a primé, ce sont surtout des sensations, la vision d’une nature florissante, l’odeur du Lesotho, que j’ai fusionnées et qui m’ont laissé une forme de sentiment spirituel que j’ai gardé depuis mon enfance.

Certains plans évoquent la peinture romantique du xixe siècle. Est-ce une inspiration ?

Pas vraiment. J’ai toujours rêvé de peindre, mais ça n’a jamais abouti. Le seul médium qui m’a permis de conjuguer mes idées, c’est le cinéma. Je suis peut-être plus inspiré par des textes, comme ceux de Nietzsche, que j’ai toujours aimés.

Les scènes de marche collective sont captivantes. Comment les avez-vous imaginées ?

Je voulais montrer comment ces gens-là, en perdant leur identité, expérimentent la mort. C’est un rite de passage, un processus violent mais nécessaire. J’aime à penser que ce cycle est aussi une métaphore de nous-mêmes en tant que peuple africain, de notre exode perpétuel.

: L’Indomptable Feu du printemps de Lemohang Jeremiah Mosese, Arizona (2 h), sortie le 28 juillet

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