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« Fin de siècle » de Lucio Castro : une romance fulgurante
- Thomas Messias
- 2020-09-21
D’une idylle presque ordinaire, Lucio Castro tire une réflexion métaphysique mais apaisée sur la façon dont l’amour se joue du temps et des souvenirs. Un objet aussi mystérieux que charmant.
Ocho, Argentin vivant à New York, passe quelques jours à Barcelone où il profite de la solitude que lui permet son récent célibat. Il passe la nuit avec Javi, Espagnol vivant à Berlin. Autour d’un verre, les deux amants évoquent une impression de déjà-vu, rapidement confirmée par un flash-back en forme de souvenir commun : vingt ans plus tôt, ils se sont effectivement croisés, lorsque Javi était encore en couple avec une amie d’Ocho. C’est là que survient le premier basculement de Fin de siècle, dans ce long retour en arrière joué par les mêmes acteurs que précédemment, sans qu’aucun artifice ne tente de les rajeunir. Quand l’Argentin Lucio Castro, dont c’est le premier long métrage, nous fait soudain entrevoir l’hypothétique futur commun des deux hommes, c’est le coup de grâce.
Fantasmes, projections ou réalité ? Le cinéaste nous laisse juge, dynamitant la linéarité initiale de l’ensemble pour semer un trouble exponentiel. Se jouant de l’espace-temps avec un minimalisme qui force le respect, il livre un traité fulgurant sur l’amour absolu, celui qui sait se faire aussi fort au premier regard qu’après des années de relation. Mêlant le durable et l’éphémère, l’éternel et le périssable, Fin de siècle tient presque autant de Week-end, beau récit d’une brève rencontre signé Andrew Haigh, que de The Fountain de Darren Aronofsky. À ceci près qu’il garde toujours un pied dans le réel, montrant les corps dans toute leur vigueur sans jamais détourner les yeux du spectre du VIH.
Fin de siècle de Lucio Castro, Optimale (1 h 24), sortie le 23 septembre