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« Annie Colère » : 73, année politique

  • Raphaëlle Pireyre
  • 2022-11-24

Alors que de préoccupants mouvements dans le monde cherchent à interdire et à criminaliser l’avortement, Blandine Lenoir offre avec « Annie Colère » un portrait du militantisme joyeux à l’œuvre en France en 1973, un an avant la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse.

C’est pour sa muse Laure Calamy (qui jouait dans son premier long métrage, Zouzou) que Blandine Lenoir a écrit le rôle d’Annie, femme docile qui se politise à la faveur d’un événement personnel et intime, une grossesse non désirée. La gigantesque aiguille que manie cette ouvrière d’une usine de matelas dans le prologue du film la caractérise socialement, tout en évoquant les aiguilles dont des générations de femmes se sont servies pour s’avorter seules, s’exposant à tous les dangers.

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L’intervention qu’Annie va vivre est toute différente. La méthode Karman vient alors de faire son apparition en France : sans risque, bien moins douloureuse, elle est pratiquée par les groupes du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception), qui exercent des avortements illégaux mais non clandestins. Blandine Lenoir a préféré s’intéresser à ce mouvement méconnu de médecins, d’infirmières et de femmes militantes qui fit pression pour légaliser les fins de grossesses volontaires plutôt que de rendre hommage à la « grande femme » à l’origine de la loi et dont l’histoire a retenu le nom.

Documenté avec une immense précision, le troisième long métrage de la cinéaste filme en temps réel l’avortement d’Annie. La douceur des voix qui l’entourent sert d’anesthésiant naturel, et l’explication des gestes prodigués agit comme un remède à la peur. Si la tendresse de cette scène évoque un accouchement, c’est qu’Annie naît alors à elle-même.

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Cette épiphanie suscite son désir de participer à l’action menée par des militantes de milieux sociaux très différents (Pascale Arbillot, India Hair, Zita Hanrot ou encore la chanteuse Rosemary Standley entourent Laure Calamy) qui forment une « classe de femmes », comme se constitua la classe ouvrière. Dans ce climat de généreuse désobéissance, l’heure de la légalisation ne sonnera pas l’euphorie de la victoire, mais alimentera une foule de doutes exprimés dans la très belle scène du pique-nique final. Questionnements sur la place du patient dans la médecine, sur la méconnaissance des femmes de leur propre corps qui trouvent un écho douloureux aujourd’hui encore.

Annie Colère de Blandine Lenoir, Diaphana (1 h 50), sortie le 30 novembre

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