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« C’est pas moi » : Leos Carax revisite son oeuvre et l'état du monde
- Quentin Grosset
- 2024-06-07
[CRITIQUE] Répondant à une commande du Centre Pompidou qui lui demandait « Où en êtes-vous, Leos Carax ? », le cinéaste livre un autoportrait inventif et fragmenté, perclus de fulgurances plastiques et d’idées aussi désarçonnantes que stimulantes sur le cinéma, et donc sur l’état du monde.
« C’est pas moi », comme une manière de se dédouaner, de refuser l’idée même d’autoportrait ? Ou « C’est pas moi » pour dire que ce n’est pas Leos Carax qu’il faut sonder, mais plutôt son monde, notre monde ?
Ou « C’est pas moi » pour dire que ce n’est pas Leos Carax qu’il faut sonder, mais plutôt son monde, notre monde ? Dans ses films, le cinéaste s’est souvent présenté avec un masque, des lunettes de soleil, des alter ego incarnés par Denis Lavant – notre préféré, Monsieur Merde, une autoprojection anarchisante, une force de destruction massive qui s’en prend à toute forme de conformisme.
Dans cette échappée et cette entreprise de démolition, le réalisateur s’inspire des essais de Jean-Luc Godard – leur malice, leur autodérision, leur côté cancre, leur créativité plastique aussi – pour aboutir à ce film-collage. On y rencontre des figures du cinéma de Carax, qui viennent à fusionner (Annette en mode « Modern Love » de David Bowie comme dans Mauvais Sang, sorti en 1986, il faut voir ça), des dictateurs, des écrivains, des membres de sa famille…
On est souvent troublés, bousculés par tel ou tel rapprochement. Et on est aussi bouleversés par cette croyance de Carax en l’éternité du cinéma, en l’idée que des films anciens peuvent dire le monde d’aujourd’hui, comme lorsque la voix de Jonas Mekas, cinéaste de l’exil disparu en 2019, vient se poser sur des images qui évoquent la détresse des migrants à notre époque.
C’est pas moi de Leos Carax, Les Films du Losange (40 min), sortie le 12 juin
Image : © Jean-Baptiste Lhomeau