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CANNES 2024 · « Oh, Canada » de Paul Schrader : Ce que veulent les hommes

  • Margaux Baralon
  • 2024-05-18

[CRITIQUE] Dans cette adaptation du roman du même nom de Russell Banks, un documentariste en phase terminale remonte le fil de ses souvenirs. De son récit heurté, Paul Schrader fait naître une mélancolie délicate, bien aidé par des acteurs en grande forme.

À quoi pensent les hommes quand la mort se rapproche et qu’il est temps de se préoccuper de ce qu’on va laisser derrière soi ? Au parachèvement de leur mythe, imagine-t-on souvent. Et Leonard Fife, le personnage principal du dernier film de Paul Schrader, présenté en compétition officielle à Cannes, semble de cette trempe. Comment pourrait-il en être autrement pour un documentariste célèbre et célébré, qui accepte de donner une dernière interview à d’anciens étudiants alors qu’un cancer le ronge ?

Une fois planté devant la caméra dans son fauteuil roulant, pourtant, le mourant en décide autrement. Prenant sa femme Emma (Uma Thurman) à témoin, il racontera l’histoire comme il l’entend. Et ce ne sera jamais pour l’embellir. Lui, l’incarnation de l’insoumission dans les années 1960, qui a préféré l’exil canadien à la participation à la guerre du Vietnam, qui a ensuite documenté les injustices et les violences du monde, a aussi été un petit homme lâche et vil.

Oh, Canada emprunte alors des chemins inattendus. Refusant toute linéarité, Paul Schrader revient sur la vie de Leonard Fife grâce à des effets de superposition. Superposition de voix-off qui se contredisent parfois, superposition de couleur et de noir et blanc, superposition d’acteurs, même. Au cours de la même séquence, la version jeune du documentariste (Jacob Elordi, grande tige découverte dans la série Euphoria qui prend ici une certaine épaisseur, du moins métaphoriquement) est remplacée par son double plus âgé (Richard Gere, étonnamment émouvant).

Si l’ensemble verse parfois dans la confusion, le film a le grand mérite d’être autre chose qu’une énième variation sur le temps qui passe et fait (mal) son œuvre. Pas tout à fait un biopic, loin d’une simple réflexion autour de ce que pourrait (ou devrait) être le cinéma, Oh Canada est plus proche d’une entreprise de réparation. Sans qu’on s’y attende, une mélancolie douce s’échappe de ces confessions. À quoi pensent les hommes quand la mort se rapproche et que les femmes et les enfants abandonnés en cours de route se rappellent à eux ? À dire la vérité, qui sans cesse se dérobe, pour, sûrement, espérer une forme de pardon.

Le Festival de Cannes se tiendra cette année du 14 au 25 mai 2023. Tous nos articles sur l’événement sont à suivre ici.

Illustrations : ARP Sélection

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