CANNES 2024 · « The Apprentice » d’Ali Abassi : naissance d’un monstre

Après Border, récit fantastique situé en Suède, et Les Nuits de Mashhad, thriller décrivant des meurtres survenus en Iran, Ali Abbasi change à nouveau de continent et de genre filmique puisqu’il s’attaque à un biopic relatant les jeunes années de Donald Trump dans le New York de la fin des années 1970. Le récit nomme ainsi directement les noms des personnages et relate l’ascension dans le monde de l’immobilier new-yorkais du jeune Trump (joué par l’impeccable Sebastian Stan, tout en regards en coin et autres duckfaces appuyés), facilitée par sa relation avec l’avocat véreux Roy Cohn (joué par Jeremy Strong, connu pour la série Succession), qui va peu à peu devenir son mentor et remplacer la figure paternelle avec laquelle Donald est en délicatesse…

Ce qui frappe dans ce film friand de reconstitutions vestimentaires et de tubes musicaux d’époque (Yes Sir, I Can Boogie de Baccara ou Blue Monday de New Order) est que le jeune Donald Trump paraît au départ presque attachant par sa naïveté et sa timidité qui le montrent sous la coupe du vorace et intransigeant Roy Cohn. Mais lorsque l’homme d’affaires aux dents longues va enfin retenir les leçons de son aîné et se mettre à contourner les règles étatiques, judiciaires et économique, l’animal politique que devient Trump se double d’une figure monstrueuse - autant avec son frère qu’il laisse mourir qu’avec son épouse qu’il va finir par violenter et abuser sexuellement.

Le film, aidé par des grains d'images variés qui mettent en exergue la vulgarité du parcours de Trump, dépeint alors la terrifiante naissance d’un être vampirique qui détruit tout autour de lui en se donnant pourtant l’image d’un bâtisseur du rêve américain. Mais la cage dorée se transforme en cauchemar et The Apprentice brocarde la répétition des dangers qui minent les États-Unis, pays qui n’en a décidément pas fini avec ses démons.

Le Festival de Cannes se tiendra cette année du 14 au 25 mai 2024. Tous nos articles sur l’événement sont à suivre ici.

Illustrations : Scythia Films