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CANNES 2023 · «Simple comme Sylvain» de Monia Chokri, amour et lutte des classes

  • Timé Zoppé
  • 2023-05-17

La réalisatrice de «La Femme de mon frère» et «Babysitter» revient en sélection Un certain regard avec un pari : déployer une romance simple comme son titre, saupoudrée d’une savante réflexion sur la nature de l’amour. Philosophique et charnel, moderne et atemporel, «Simple comme Sylvain» impressionne en toute modestie.

Il y a toujours quelque chose de vif dans le cinéma de Monia Chokri. L’héroïne branchée sur haut voltage de son premier long métrage ; la scène d’ouverture pleine de cuts et de gros plans sur des bouches de spectateurs mâles et des plastiques féminines lors d’un match de MMA dans Babysitter… Celle qui ouvre Simple comme Sylvain ne déroge pas à la règle, plongeant dans un dîner entre amis – avec enfants bruyants – à Montréal dans lequel se retrouvent deux couples au long cours. Françoise (Monia Chokri, hilarante) et Philippe (Steve Laplante, révélé en France grâce à Babysitter) reçoivent leurs amis « sans-enfants », Sophia (magnétique Magalie Lépine Blondeau) et Xavier (Francis-William Rhéaume), ensemble depuis 10 ans.

A l’évidence, Sophia cogite beaucoup (sur l’écologie, l’avenir de l’humanité, l’amour – bref, des thèmes légers). Quand elle se rend, quelques jours plus tard, dans la maison de campagne qu’ils font rénover, le temps et le cerveau s’arrêtent et le cœur s’emballe : coup de foudre pour Sylvain (Pierre-Yves Cardinal, vu dans Tom à la ferme de Xavier Dolan), l’entrepreneur sexy, à la fois viril et sensible, qui s’occupe des travaux.

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Que faire de cette irrésistible attirance ? Avec cette love story mi-citadine mi-forestière, Monia Chokri trouve un subtil équilibre entre théorie (le film est émaillé de cours de philo sur l’amour, de Platon à bell hooks, que Sophia donne à des personnes âgées) et pratique (les scènes de sexe, érotiques sans succomber aux facilités). Dans sa mise en scène, elle dose aussi avec goût ses influences seventies (le cinéma de Robert Altman, Kramer contre Kramer) en usant du grain de la pellicule, des zooms et autres travellings pour magnifier les paysages naturels de la région des Laurentides sans verser dans le passéisme. Il y a plutôt ici l’idée de ralentir, faire sentir la pause, même la rupture nette dans le flot ininterrompu de la vie de l’héroïne, particulièrement du couple qu’elle s’évertue à maintenir alors qu’ils sont devenus meilleurs amis.

La caméra de la cinéaste joue avec les frontières, alternant entre l’extérieur et l’intérieur d’une cabane isolée ou d’un vestibule où les nouveaux amants se dévorent. Les personnages explorent aussi leurs limites, questionnant l’amour à l’épreuve des différences de classes (rarement traité avec autant d’acuité et de sérieux au cinéma) et l’objectivation des corps et des rapports de force aujourd’hui. Sans en faire des caisses, Monia Chokri explore ainsi des questions fondamentales tout en nous emportant, l’air de rien, dans un torrent d’émotions. On en sort comme l’héroïne, lessivés mais, quelque part, éclairés.

Images (c) Fred Gervais

Le Festival de Cannes se tiendra cette année du 16 au 27 mai 2023. Tous nos articles sur l’événement sont à suivre ici.

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