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« Caiti Blues » de Justine Harbonnier : american idol

  • Chloé Blanckaert
  • 2023-05-30

[CRITIQUE] Dans l’audacieux premier documentaire de Justine Harbonnier, Caiti Lord donne de la voix et offre une nouvelle représentation de l’Amérique. Une œuvre salvatrice, qui faisait partie des bijoux sélectionnés à l’ACID à Cannes cette année.

Au milieu des paysages désertiques de Madrid, ancienne ville fantôme du sud-ouest des États-Unis, se trouve Caiti, 30 ans, serveuse dans un bar et animatrice d’une radio locale, qui peine à joindre les deux bouts. Étouffée par le poids du quotidien, les dettes à rembourser et l’ambiance morose de l’Amérique de Donald Trump, elle rêve de vivre de sa musique…

Avec Caiti Blues, Justine Harbonnier réinvente l’écriture documentaire en s’immergeant dans l’intimité de son sujet, la résiliente Caiti Lord à la voix puissante. Se rapprochant d’une mise en scène de fiction, la réalisatrice construit un écrin sur mesure pour sa protagoniste, la laissant évoluer dans son quotidien sans jamais la faire interagir avec la caméra. Seuls de doux moments de débordement de joie (une proposition de date, l’obtention d’une audition) viendront rappeler le côté documentaire du long métrage, offrant une preuve touchante de la complicité qui lie les deux femmes. Au-delà du simple portrait d’une jeune adulte désabusée par le rêve américain, c’est un hommage aux pouvoirs salvateurs de l’art que propose Justine Harbonnier, en plaçant la musique (composée et interprétée par Caiti Lord elle-même) au cœur du récit.

Les paroles des chansons découpent ainsi le film en chapitres, naviguant entre différents moments de la vie de Caiti et soulignant son évolution : de ses rêves d’enfance, représentés par des vidéos d’archives familiales, à sa bataille contre l’alcool, contée en musique. Passant de Hollywood à Hollyweird, Justine Harbonnier porte à l’écran la représentation d’une contre-culture à travers l’histoire de son héroïne, qui se réenchante dans une Amérique de la marge. Un tableau qui trouve son apogée dans un hommage musical au Rocky Horror Picture Show, comédie horrifique des années 1970 devenue culte, avec une reprise électrique de « Sweet Transvestite ». Sublime.

Trois questions à Justine Harbonnier

Quand avez-vous eu l’idée de filmer Caiti ?

Je l’ai rencontrée en 2013. En l’entendant chanter pour la première fois, ça m’a tout de suite inspirée. Trois ans plus tard, en pleine période sombre après l’élection de Donald Trump, je suis retournée la voir dans l’idée de la filmer pour voir comment le politique pouvait transparaître dans l’intime.

Comment s’est déroulé le tournage du documentaire ?

J’ai filmé Caiti quatre fois entre 2017 et 2020. La narration repose sur des événements du quotidien, mais les choses étaient assez planifiées. Quand on tournait, on savait qu’il pouvait se passer quelque chose. Il y a aussi eu un travail de remise en scène, pour provoquer certaines choses que j’avais vues mais que je n’avais pas pu filmer.

Pourquoi avoir fait le choix d’une forme documentaire plus libre ?

Je voulais accéder à l’intimité de Caiti de manière sincère, autrement que par l’interview face caméra. Grâce à sa musique et à ses chroniques radio, elle livre ses pensées d’une manière très cinématographique. Il y a bien quelques moments où elle interagit directement avec la caméra, mais c’est toujours à son initiative.

Caiti Blues de Justine Harbonnier, Shellac (1 h 24), sortie le 19 juillet

Images (c) Sister productions

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