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« Nos cérémonies » de Simon Rieth : grâce juvénile

  • David Ezan
  • 2022-05-21

À seulement 26 ans, Simon Rieth en impose avec ce premier film en forme de coming-of-age surréaliste, présenté à la Semaine de la critique cannoise en 2022. Résultat : un objet formellement unique, en témoignage de l’ardent appétit d’une génération qui compte bien explorer d’autres sentiers narratifs.

Après plusieurs courts métrages férocement indépendants et remarqués en festival, Simon Rieth s’attaque au long métrage avec une belle maturité artistique. Mais qu’on ne s’y trompe pas car, du haut de son jeune âge, le cinéaste revendique aussi un romantisme adulescent et un goût pour les madeleines de Proust – il a tourné Nos Cérémonies à Royan, où il passait ses étés enfant. Il y filme d’ailleurs un nombre incalculable de premières fois, qu’elles soient chargées d’amour comme de mort. C’est que les deux ne font qu’un pour Rieth, qui inaugure son récit par une scène proprement inoubliable : deux jeunes frères ; un jeu dangereux ; l’un frôle la mort ; l’autre lui offre un baiser. Le ton est donné. La fratrie retourne sur les lieux dix ans plus tard et y retrouve Cassandre, l’amour de jeunesse du plus âgé d’entre eux…

S’il évoque de prime abord un certain cinéma naturaliste, Nos Cérémonies s’en éloigne dès son ouverture au lyrisme presque théâtral. Difficile de comparer le film à d’autres œuvres, si ce n’est à celles d’une même génération ; on pense d’emblée à Caroline Poggi et Jonathan Vinel pour le spleen juvénile, le cadrage pictural, l’atmosphère déréalisée ou encore la violence tirée de l’imaginaire vidéoludique. Si le concept fantastique de Rieth quant à la mort – qu’on ne dévoilera pas ici – tient bien du jeu vidéo, Nos Cérémonies évite pourtant l’écueil du film-concept.

Et le cinéaste de briller lorsqu’il s’attarde sur l’amour, qu’il soit partagé par deux tourtereaux ou par deux frères – à noter que les interprètes, divinement inconnus, sont réellement frères. Un fait apparemment anodin mais qui, l’air de rien, signale l’authenticité émotionnelle du projet. Le désir de cinéma qui en découle n’en est que plus pur, et à la pureté des sentiments s’adjoint la pureté d’une mise en scène en constant état de grâce. Avec une audace tranquille, Simon Rieth ose un langage radical en ce qu’il mêle sans demi-mesure aridité et artifice, brutalité et délicatesse. Le tout sublimé par le regard brûlant qu’il pose sur les visages de son film, comme trois étoiles dans la nuit d’un cinéma qui n’a pas dit son dernier mot.

Nos cérémonies de Simon Rieth, The Jokers / Les Bookmakers (1 h 44), sortie le 26 avril

Images (c) The Jokers Films

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