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« How to save a dead friend » de Marusya Syroechkovskaya : bad trip amoureux

  • Laura Pertuy
  • 2022-05-23

Dans un premier documentaire saisissant présenté à l’ACID à Cannes 2022, Marusya Syroechkovskaya parcourt son fonds d’images plein de douze ans de vie au cœur d’une « Russie de la déprime », et adresse un hommage posthume à son ancien amant issu d’une jeunesse ravagée par la drogue.

C’est entre autres « Love Will Tear Us Apart » de Joy Division qui peuple, triste ritournelle, les images du film que consacre Marusya Syroechkovskaya à Kimi, son grand amour dont la disparition s’annonce d’entrée de jeu inéluctable. Un air emblématique de la cold wave pour dire le caractère sans issue de leur relation, minée par les addictions et le mépris total d’un État oligarchique. Le travail de la jeune Russe, déjà venue présenter le mockumentary décalé Exploration of Confinement au Short Film Corner en 2013, ne s’embarrasse d’aucun préambule et pénètre, cru, dans le quotidien de jeunes âmes en perdition, installées dans de mornes immeubles périphériques.

Marusya Syroechkovskaya pour « How to Save a Dead Friend »

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D’une matière recueillie à partir de ses 16 ans, période d’overdoses en série chez ses amis, la réalisatrice compose une œuvre pénétrée où l’on voit grandir les addictions, tout comme le sentiment d’être condamné et de n’avoir aucune prise sur la marche de la nation. L’apparition – presque divine – de Kimi, âme sœur dont Marusya Syroechkovskaya filme la lumière, les discours fiévreux, le corps aussi, rebat un temps les cartes. Les deux adolescents connaissent un amour total, fait de grands rires et de bad trips, accompagnés par ce témoin silencieux et rassurant qu’est la caméra. Quand les amoureux s’éloignent, Kimi appelé par les drogues dures et Marusya par les études, le film prend un tour plus dostoïevskien, se concentrant sur la survie du jeune homme et de son grand frère.

Comment montrer, dire, un être cher en une pièce documentaire à la durée figée ? Quels aspects de sa personnalité épouser, quels moments de son existence écarter ? À la manière de Joanna Hogg avec son diptyque autobiographique The Souvenir, Marusya Syroechkovskaya montre un talent remarquable à retranscrire les chemins de l'intime, le récit que l'on fait de soi et des autres, dans un montage aussi minutieux que bouleversant. Au-delà du poème visuel et mélodique qu’elle dédie à Kimi, la jeune cinéaste fait s’imprimer les voix, visages, corps et aspirations d’une jeunesse russe oubliée, et tambourine fort contre le régime de Poutine.

How to Save a Dead Friend de Marusya Syroechkovskaya, La Vingt-Cinquième Heure (1 h 43), sortie le 28 juin

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