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Vu à la Berlinale : « Disco boy » de Giacomo Abbruzese, hanté par la nuit

  • Quentin Grosset
  • 2023-02-17

Pour son fascinant premier long métrage présenté en compétition officielle, Giacomo Abbruzese a l’audace d’imaginer un film de guerre comme une rencontre. Entre Aleksei, un Biélorusse engagé dans la Légion étrangère et Jomo, un jeune révolutionnaire écologiste au Nigéria, le combat devient une envoûtante histoire de danse et de possession.

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Si Disco boy emporte autant, c’est que d’une narration tenue, précise, située, on bascule peu à peu vers une forme d’abstraction magnétisante. Peut-être que ça a à voir avec la figure du danseur qui traverse le film : l’entraînement sans concession, la discipline de fer, l’endurcissement du corps avant le lâcher prise, l’épuisement voire l’évanouissement dans les mouvements, les lumières, et les sons. Ainsi, on suit Aleksei (Franz Rogowski, déjà magnifique dans Great Freedom de Sebastian Meise, on le verra aussi lors de cette Berlinale dans Passages, le nouveau film d’Ira Sachs), Biélorusse en exil en France, en deuil et sans repères.

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On le voit se préparer avec acharnement et docilité au combat : au bout de cinq ans de légion étrangère, le passeport français sera à lui. Ces séquences ont beau être très physiques, la façon qu’a Giacomo Abbruzzese de filmer le visage marmoréen de son acteur, entre détermination et oubli de soi, contient déjà l’ampleur introspective qui fulminera plus tard. Parallèlement, par la lutte armée, Jomo (subjuguant Morr Ndiaye) défend son village nigérian contre les entreprises pétrolières attenantes qui détruisent tout l’écosystème, menacent d’en faire une terre sèche et infertile. Inébranlable dans son engagement, Jomo rêve cependant de danser, de devenir comme il le formule un « disco boy ».

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Le cinéaste nous perd dans une jungle luxuriante et tortueuse et y installe une tension comme tapie dans l’ombre, un mystère. Dans sa façon de capter les rites occultes des villageois, on pense un peu aux Maîtres fous de Jean Rouch. Comme ce dernier filmant des danses possédées, Abbruzzese sait ne pas trancher entre intention anthropologique et fantastique, rester toujours à la lisière. C’est désorienté au Niger qu’Aleksei va entrer dans un duel avec Jomo, et peu à peu ce corps à corps va devenir fusion dans un espace liminaire.

Toute géographie se dissout et l’on retrouve Aleksei dans une boite de nuit intrigante, qui a la solennité, la religiosité d’une église. Là encore, le réalisateur nous laisse hésitant : ces scènes sont-elles seulement les virées nocturnes d’un soldat en permission ? Ou bien à travers elles touche-t-on à sa plus profonde intériorité ? Peut-être que Jomo est venu hanter Aleksei en dansant par lui, mais on peut aussi voir cette métempsychose comme quelque chose d’heureux. C’est d’appréhender la boîte de nuit comme un espace d’abandon, où la rencontre n’obéit plus qu’au hasard, où l’on peut se connecter à l’autre alors que tout nous sépare.

Disco Boy de Giacomo Abbruzese, KMBO, sortie le 5 avril

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