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L’archive d’Olivier Assayas : une liste cinéphile écrite à 15 ans
- Timé Zoppé
- 2024-06-10
Le cinéaste sort ce mois-ci « Hors du temps », un film très personnel, en Compétition à la dernière Berlinale, dans lequel il retourne dans la maison de son enfance, en vallée de Chevreuse. Dans ce film autobiographique mi-essai, mi-fiction, il se livre à l’introspection en revenant sur son confinement (son rôle est joué par Vincent Macaigne) avec son frère, critique musical (Micha Lescot), et leurs compagnes (Nora Hamzawi et Nine d’Urso). Longtemps critique, notamment aux Cahiers du cinéma, Olivier Assayas nous a confié une archive précieuse : une liste de films vus et notés dans son adolescence, sur laquelle il revient pour nous.
« Ce précieux document, c’est la liste des films que j’ai vus en 1970, à l’âge de 15 ans. Ça me surprend à quel point j’étais déjà “moi-même”, à l’époque. Je ne suis pas sûr que je mettrais des notes très éloignées aujourd’hui, si je devais mettre des notes – ce que j’ai horreur de faire, par ailleurs. Je suis assez content de ne pas être passé à côté de Zabriskie Point, de ne pas être passé à côté de More, d’avoir aimé des films comme Medium Cool, Easy Rider ou Woodstock, qui avaient en commun une modernité, un rapport aux contemporains, aux politiques aussi d’ailleurs.
Ce qui était très en prise avec l’époque. Il y a peu de films classiques. Les classiques, je les voyais à la télé, je ne les mettais pas au même niveau que les films que je découvrais en salles. C’était deux médiums différents, d’une certaine façon. Le seul film que je vois avec un certain décalage, c’est Blow-Up.
Sans doute que j’ai suffisamment aimé Zabriskie Point pour avoir envie de m’intéresser au passé de ce cinéaste [Michelangelo Antonioni, ndlr]. Je pense que je suis un peu injuste avec Claude Chabrol, qui est un cinéaste que j’admire beaucoup. La Rupture mérite plus que ce pauvre 6 que je lui donne. Par contre, je ne me trompe pas sur Une passion d’Ingmar Bergman. À mon avis, Bergman, lui, se trompait parce qu’il n’aimait pas ce film. C’était une tentative d’aller vers le marché international, il s’en voulait de l’avoir faite.
Il avait bien tort, parce que c’est un de ses films réussis. Comme Ice est un film réussi, fort et important de Robert Kramer. Ça ne m’avait pas échappé, comme Bloody Mama de Roger Corman ne m’avait pas échappé non plus. Enfin, je pourrais les citer tous. Je me les rappelle tous et, au fond, je ne suis pas étonné mais satisfait de constater à quel point on est imprégné de ce qu’on a vu dans son adolescence. Pour moi, c’est le cas en ce qui concerne le cinéma, mais aussi bien en ce qui concerne la littérature et la musique. »
Image : © Carole Bethuel