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Anouk Aimée en 3 rôles de cinéma inoubliables
- Troiscouleurs
- 2024-06-18
Virevoltante dans « Lola », plus grave dans « Model Shop » du même Jacques Demy, rêveuse chez Federico Fellini dans « La Dolce Vita» ou« Huit et demi », Anouk Aimée, disparue ce mardi 18 juin, aura plus que marqué le cinéma, elle l’aura enchanté. On revient sur trois rôles géniaux de l’actrice.
Avec 74 films et séries à son compteur, l’immense Anouk Aimée était l’une des actrices les plus précieuses du cinéma français. Sa fille, l’actrice Manuela Papatakis, a annoncé sa disparition dans un message publié ce mardi 18 juin sur Instagram. « J’étais tout auprès d’elle lorsqu’elle s’est éteinte ce matin, chez elle, à Paris. » Pseudo bien choisi (par Jacques Prévert, soit dit en passant) que celui d’Anouk Aimée, pour celle qui est née à Paris, le 17 avril 1932, sous le nom Françoise Dreyfus. Fille de comédiens, celle qui ne s’était pourtant pas destinée au grand écran a traversé l’histoire du cinéma en maintenant vivant un paradoxe. Elle a toujours gardé une distance avec les mondanités du milieu, préférant l’élégance de la discrétion, ce qui ne l’a pas empêchée de crever l’écran. La preuve par trois.
Lola de Jacques Demy (1961)
Elle y incarne une danseuse de cabaret, mère célibataire échouée à Nantes, gravitant autour de marins, femmes enjouées mais aussi un ex-amour de jeunesse, qui retombe sous son charme irrésistible. Problème : elle en aime et en attend un autre... « Demy s’est inspiré de ma tendance à passer du coq à l’âne : oh, il fait chaud, oh, j’ai mal à la tête, oh, j’ai envie d’une cigarette… », nous confiait l’actrice en 2012, à l’occasion de la ressortie de ce film virevoltant, toujours entre deux rives, et encapsulé dans un noir et blanc sublime. On n’oubliera jamais « La Chanson de Lola », titre badin, léger qu’elle interprétait si bien, et qui l’a propulsée au rang d’égérie incontestée du cinéma français.
Un homme et une femme de Claude Lelouch (1966)
Avec ce film désarmant de simplicité, Palme d’or en 1966 – deux veufs qui se croyaient inconsolables s’aiment dans un élan de survie – Claude Lelouch immortalise l’aura complexe d’Anouk Aimée. Silhouette gracile, yeux de chats embués de mélancolie, l’actrice incarne une forme d’universel tragique, un appétit de vivre qui supplante le chagrin. Face à Jean-Louis Trintignant, elle impose son phrasé si particulier, mélange de candeur et de malice. La légende raconte que Claude Lelouch avait pensé à Romy Schneider pour ce rôle – lui-même-inspiré d’une inconnue que le réalisateur croisa par hasard sur une plage. Mais à revoir la séquence de retrouvailles tourbillonnante entre Trintignant et Anouk Aimée, dans laquelle un panoramique enivrant encercle ce couple sur le littoral de Deauville, on se dit que personne d’autre qu’elle ne pouvait aussi bien incarner l’idée même de l’amour.
Model Shop de Jacques Demy (1969)
Anouk Aimée, c’est aussi une apparition, un fantasme qui parcourt en filigrane l’œuvre de Jacques Demy. Dernier volet d’une trilogie formée par Lola et Les Parapluies de Cherbourg, Model Shop raconte l’histoire d’un architecte endetté qui fait la rencontre d’une Française qui gagne sa vie grâce à des photos sexy. « Si on a vu Lola, c’est mieux, comme quelqu’un qu’on retrouve, qu’on rencontre comme ça, après une longue absence » a déclaré Jacques Demy à propos du film. Anouk Aimé est ici évanescente, comme un souvenir qui menace de s’effacer : existe-t-elle seulement, ou est-elle la projection maladive d’un homme qui court après des espoirs déçus ? Jacques Demy s’amuse à nous éconduire, et à ce jeu trouble, Anouk Aimée, sorte de créature de la nuit imprenable, excelle.
Image (c) Metropolitan FilmExport