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À voir sur Arte : « Jeanne Moreau, l’affranchie »
- Cannelle Anglade
- 2022-04-12
Après s’être brillamment illustrée dans des rôles de grande tragédienne au théâtre, Jeanne Moreau suit une trajectoire libre et anticonformiste au cinéma, explorée par ce documentaire étoffé d’archive. Un film à voir jusqu’au 16 mai sur Arte.
D’abord, le documentaire revient sur les débuts compliqués de la comédienne à l’écran. Lors des castings, la jeune Jeanne est rarement choisie pour les films en vogue de l’époque. Elle ne reflète pas les canons de beauté des années 1950. On la dit trop loin du classicisme d’une Michèle Morgan, et plus tard, son allure naturelle tranche avec le look sophistiqué d’une Brigitte Bardot.
UNE NOUVELLE MANIÈRE DE JOUER
À 29 ans, elle est révélée par Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle (1958). Ses déambulations nocturnes au rythme de la trompette de Miles Davis marquent le départ d’une filmographie aventureuse, impulsive, à l’image de sa personnalité.
Émus par la gravité de ses gestes et de ses traits, Peter Brook la fait jouer en 1960 dans son Moderato Cantabile, et Michelangelo Antonioni la choisit, un an plus tard, pour La Notte, deuxième volet de sa trilogie sur l’incommunicabilité. Se dessine alors un type de rôle à la « Moreau » : celui de la bourgeoise à la dérive, triste et songeuse. Cette image trop sérieuse, la comédienne va vouloir la casser très vite : c’est alors qu’arrive la Nouvelle Vague et son lot de personnages plus désinvoltes.
Virginie Linhart abandonne alors la voix-off et laisse place aux réflexions de la comédienne lors d’entretiens télévisés, au moment où celle-ci s’apprête à faire un grand écart dans sa carrière, s’affranchissant, encore et toujours, des attentes du public. Le film nous révèle comment, au début des années 1960, Jeanne Moreau annonce déjà la vague d’émancipation des femmes qui s’emparera de tout le pays.
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Le documentaire laisse paraître le vent de liberté qui plane autour de l’actrice. Elle se joue des étiquettes qu’on lui colle à la peau et poursuit sa quête d’un cinéma plus proche du réel. Dans le triangle amoureux du Jules et Jim de François Truffaut, elle marque les esprits en chantant Le Tourbillon de sa voix grave, qui balaye tous les chagrins sur son passage.
Dépeinte comme une figure d’insoumission, elle accompagne les prémices de jeunes réalisateurs. Elle joue une madone peroxydée dans La Baie des Anges, deuxième long métrage d’un certain Jacques Demy. Plus tard, elle apparaît bouleversante dans Les Valseuses, premier film de Bertrand Blier.
Transgressive par nécessité et séductrice par amusement, Jeanne Moreau – décédée le 31 juillet 2017 – restera l’une des figures les plus iconoclastes du cinéma français.
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Image: Jeanne Moreau dans Le Procès d'Orson Welles © Les Acacias