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À (re)voir sur Arte: « La Charge héroïque », western pictural de John Ford
- Léa André-Sarreau
- 2019-12-09
Une oeuvre picturale flamboyante qui déploie, sous son esthétique pittoresque, une morale humaniste.
Lorsque John Ford réalise La Charge héroïque en 1949, les Etats-Unis ne se sont pas encore remis du conflit fratricide de la Guerre de Sécession (1861-1865) qui a mis a mal leur toute-puissance. La conquête de l’Ouest et les guerres indiennes deviennent alors un prétexte narratif pour glorifier la cavalerie américaine, la légende d’une frontière repoussée toujours plus loin, symbole de l’héroïsme américain triomphant sur la nature sauvage. Mais La Charge héroïque, contrairement à ce que son titre français trompeur laisse entendre (She Wore a Yellow Ribbon en anglais) n’est pas le western idéologique attendu. John Wayne y interprète un capitaine à la veille de sa retraite, forcé d’effectuer une dernière mission pour empêcher un massacre entre les tribus indiennes et les « visages pâles ». Cow-boy fatigué, dégoûté par la guerre, l’acteur incarne toute la complexité morale de l’univers fordien : courageux, humaniste, son visage prématurément vieilli laisse aussi percer une mélancolie tenace.
Ce qui intéresse le cinéaste, davantage que les courses-poursuites et les bagarres démonstratives normalement fondatrices du western, ce sont les infimes détails du quotidien, les bals, les amours et les beuveries interminables qui ponctuent la vie des soldats d’un régiment. Nul sang versé, nulle hiérarchie militaire ne viennent hanter au crépuscule l’arène de Monument Valley, décor naturel favori de Ford qui transforme n’importe quelle traversée à cheval en épopée tranquille. Le réalisateur préfère à cette artillerie lourde des séquences contemplatives, habitées par la mort – comme celle où John Wayne se rend sur la tombe de sa femme pour lui confier ses doutes – mais toujours pleines de couleurs flamboyantes et irréelles. Le bleu d’un uniforme et le rouge du ciel viennent alors rehausser le destin tragique de personnages plein de nuances.
Image: Copyright RKO Pictures