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« Julie (en 12 chapitres) » : Joachim Trier bouleverse avec son portrait d’une héroïne à contre-temps

  • Quentin Grosset
  • 2021-07-09

Le Norvégien Joachim Trier bouleverse avec "Julie (en 12 chapitres)", portrait remuant, à la fois mélancolique et plein de drôlerie, d’une jeune trentenaire en perpétuelle redéfinition, alors que tout le monde autour d’elle cède à la nostalgie. A 47 ans, le réalisateur d’"Oslo 31 août" confronte le désarroi de sa propre génération à l’énergie de cette héroïne plus jeune et intenable, comme une forme de catharsis face au temps qui passe.

Renate Reinsve a remporté le prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes 2021 pour ce film

Est-ce seulement de la nostalgie, ou bien est-ce plutôt une angoisse existentielle ? Askel (Anders Danielsen Lie, l’acteur phare des films de Joachim Trier), 45 ans, auteur d’une BD underground qui a eu son petit succès, se pose la question. Il arrive à un moment où tous ses amis sont casés, ne sortent plus autant qu’avant, n’ont plus tellement de projets autres que l’éducation de leurs enfants ou leur confort petit-bourgeois.

Les voyant gagnés par cette forme de mollesse, il a cette angoisse de devenir comme eux avec l’âge, alors qu’il a déjà cette frustration d’avoir vendu les droits de sa BD ravageuse pour qu’un dessin animé inoffensif en soit tiré. Lors d’un week-end avec ses amis, Askel leur présente pour la première fois Julie (Renate Reinsve, révélation solaire), même pas 30 ans, qui tranche avec ce morne paysage.

Dans l’un des premiers des 12 chapitres par lesquels on suivra son évolution, une narration vive et elliptique nous la présente comme cette étudiante à l’ardeur de vivre inaltérable, qui ne veut pas choisir qu’un seul chemin (médecine, psychologie, photographie, elle expérimente tout) et surtout ne jamais trop se poser. À côté d’Askel, elle est ce personnage qui vit littéralement à contre-temps, comme le fait sentir cette scène à la fois très simple et très belle où tout Oslo se fige autour d’elle, pendant qu’elle court à fond le sourire aux lèvres.

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À travers la rencontre entre Julie et Askel, Joachim Trier fait le portrait de personnages en lutte contre la tentation du conformisme avec une acuité d’observation et une sensibilité folles. Même si le film a une part satirique souvent très drôle, il n’est cependant pas question pour le cinéaste d’accabler les quadras, car Julie se questionne elle aussi sur ce temps qui s’accélère. Le fait de sortir avec un homme plus âgé, qui n’arrive pas à ne pas se projeter, l’amène à hésiter à le tromper avec le plus jeune et séduisant Eskind.

La justesse du film est justement d’exprimer que, quelle que soit notre année de naissance, on pourra tous un jour en être là, avoir ce sentiment de se débattre avec un monde qu’on ne comprend plus ou avec lequel on ne se sent plus en phase. Mais sa force est d’affirmer, avec toute la mélancolie ouatée qui fait la beauté des films de Trier, que même si ces pensées finissent par s’infiltrer, on ne sera pas obligés de s’y abandonner.

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