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« Corsage » de Marie Kreutzer : Sissi derrière le masque

  • Laura Pertuy
  • 2022-05-22

Loin de la fresque historique, Marie Kreutzer propose une étude de caractère aussi riche que revêche, déroulée sur six mois de la vie d’Élisabeth d’Autriche. Un film porté par l’excellente Vicky Krieps qui décorsète Sissi et la regarde exister au-delà d’une recherche maladive de beauté.

De Noël 1877, où l’impératrice célèbre son 40e anniversaire, à l’été suivant, Corsage s’intéresse à la trajectoire intime d’une femme cadenassée dans son rôle, asservie par la volonté d’éternelle jouvence que lui impose un monde d’hommes. Quand enfin elle se déleste de sa couronne, d’imposantes coiffures viennent sertir son visage avec une pesanteur éminemment psychologique. À cette existence vaine, Élisabeth oppose l’envie d’apprendre, de voir et de toucher, enfant qu’elle se fait face à l’injustice qui l’enserre. Baignoires, bassins et flots : c’est dans l’oubli de son corps qu’elle approche sa liberté et délasse un corps affaibli par les régimes drastiques et l’œil dur de son époux.

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Présenté dans la sélection Un Certain Regard, qui n’a jamais mieux porté son nom, le nouveau long métrage de Marie Kreutzer envoie valdinguer la représentation de l’impératrice figée par la trilogie des « Sissi » d’Ernst Marischka. La réalisatrice autrichienne – dont le thriller psychologique The Ground Beneath My Feet (2019, dans l’attente d’une sortie en France) disait déjà le musellement d’une jeune femme brillante – entretient un appétit immense pour son personnage.

Jamais elle n’essaie de nous la rendre aimable, la cherchant « simplement » derrière l’apparat pour signifier l’amère contemporanéité d’une femme sous scellé. Un écho percutant à la fronde actuelle contre le projet de loi anti-avortement aux États-Unis, où se crie la valeur intrinsèque de l’être humain bien au-delà de sa capacité reproductive.

À des plans classiques d’une maîtrise esthétique absolue, Marie Kreutzer adjoint des formes plus flottantes, qui réfléchissent l’enfermement et la libération. C’est notamment grâce aux premières heures du cinématographe – et en une révérence aux joies de l’animation – qu’Élisabeth reconquiert sa personne, sa figure alors délestée des convenances. Un nouveau souffle que porte avec une habileté folle l’actrice luxembourgeoise Vicky Krieps (Serre moi fort) et qu’accompagne avec maestria la musicienne française Camille, dont la bande-originale est parcourue d’envolées et de respirations bouleversantes.  

Corsage de Marie Kreutzer, Ad Vitam (1 h 53), sortie le 14 décembre

Images (c) 2022 Alamodefilm

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