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« Revoir Paris » d'Alice Winocour : la mémoire dans la peau

  • David Ezan
  • 2022-05-22

Après « Proxima » (2019), Alice Winocour filme un autre trajet de femme aux prises avec un destin hors norme. En dépit d’un sujet risqué, à savoir les attentats qui ont ébranlé Paris en 2015, elle tire pourtant un récit mémoriel qui conjugue intimisme et ampleur romanesque.

Virginie Efira a remporté le César 2022 de la meilleure actrice pour ce film.

Après quelques films remarqués, Alice Winocour semble avoir affiné son langage et véritablement trouvé sa voie en tant que cinéaste. À mi-chemin entre classicisme ténu et envolées lyriques, portées par la musique sophistiquée de la chanteuse suédoise Anna von Hausswolff comme par l’ampleur d’un cadre travaillé en profondeur, Revoir Paris tient de l’évidence. Laquelle opère non seulement au niveau de la mise en scène, d’une impressionnante fluidité dramaturgique, mais aussi d’un récit que la cinéaste dédie à son frère Jérémie.

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Elle s’est en effet inspirée de l’expérience traumatique de ce dernier – il est un rescapé de l’attentat du Bataclan en novembre 2015 – pour écrire l’histoire de Mia (Virginie Efira, impériale), cette traductrice un peu morose soudain plongée dans l’horreur tandis qu’elle sirotait son verre de blanc au fond d’un bistro. Aussi terrible qu’elle en a l’air, la scène surgit comme surgirait un film catastrophe hollywoodien dans le confort d’un petit drame français. C’est qu’elle nous embarque pour ne jamais plus nous relâcher – pour nous hanter et hanter le film, dira-t-on ici. Amnésique, l’héroïne se remémore les événements par bribes éparses et elle se convainc de ne pouvoir guérir qu’à la condition de se souvenir…

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Revoir Paris, lui, ne pouvait trouver sa beauté crépusculaire qu’à une seule condition : l’intransigeante solidarité au corps et à l’esprit de Mia, qui s’expriment via un montage organique où s’entremêlent flashes et voix off. Le dispositif fascine lors de flamboyantes séquences en forme d’épiphanie où, peu à peu, les personnages recomposent des semaines de chaos intérieur. Loin de toute exubérance, la cinéaste circonscrit aussi leur expérience à des motifs presque dérisoires : un tableau, un regard, une main tendue, etc. C’est là toute sa démarche : faire plonger l’héroïne (et nous avec) dans un espace mémoriel où chaque geste, même le plus trivial, devient bouleversant. Puis dans un monde souterrain où seuls les initiés évoluent et où, envers et contre tout, l’enfer du traumatisme se transmue en un couloir d’humanité à l’immense pouvoir d’ébranlement intime.

Image (c) Pathé Distribution

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