

AFFIRMER SON STYLE
« Avec ce clip réalisé pour Jabberwocky en 2015, c’était la première fois que je faisais de la science-fiction. Je me suis dit que c’était le meilleur moyen pour faire passer une idée simplement et la rendre efficace, et comme Universal ne voulait plus financer le clip, je n’avais rien à perdre. Dans un sens, ça a été autant une rencontre avec la SF qu’avec moi-même, car c’est le moment où j’ai décidé d’assumer qui j’étais : assumer mes couleurs, le fait que j’étais quelqu’un de résolument pop. Contrairement à ce qu’on m’avait appris dans les écoles d’art, où il fallait être élégant, utiliser des couleurs sobres [le cinéaste s’est formé aux Gobelins, à l’Ecole Estienne ou encore à la California Institute of the Arts, ndlr]. En fait, je m’emmerdais. Ce clip, c’est le premier truc qui a vraiment fonctionné de tout ce que j’ai fait. Après ça, je me suis dit : « Bon, maintenant, je vais faire ce que je veux. » »

REPÉRAGES
« Quand j’ai dessiné les premières grottes [une partie du film s’y déroule, ndlr], j’ai dessiné celles de mon enfance. Comme j’ai grandi au Mexique [Ugo Bienvenu est fils de diplomate, ndlr], je représentais des cénotes [des trous dans la terre qui communiquent avec la mer, ndlr]. Félix [de Givry, ndlr] m’a dit : « C’est super beau, mais on dirait du Miyazaki. Et tu n’arrêtes pas de dire à tout le monde qu’Arco se passe sur une topographie bourguignonne. On ne va pas comprendre. » Il m’a alors montré les grottes avec lesquelles lui il a grandi, et notamment le gouffre de Padirac, qu’on visite sur cette photo. Ça a été génial parce que les grottes que je dessinais étaient vides à la base. En les visitant, on s’est rendu compte que maintenant, dedans, il y a des barques ou même des magasins. Et on s’est dit qu’on allait faire une grotte abandonnée, mais qui a été utilisée et exploitée par l’homme. Dans Arco, beaucoup de choses sont racontées par le décor. Cette grotte raconte qu’on ne va plus dans les lieux où se sont passées les choses, qu’on favorise les répliques, le simulacre. »

IMAGINER LE FUTUR
« Je me suis dit qu’il fallait une utopie, quelque chose vers lequel tendre. Il me fallait une image simple qui imprime l’idée d’un monde meilleur, sans avoir besoin de trop la définir. Il se trouve que depuis le début de l’humanité, dans tous les recoins du monde, dans tous les textes primitifs, il y a cette idée des jardins dans le ciel : le jardin d’Éden, l’Olympe, etc. C’est l’absolu de l’humanité depuis toujours. On a ça dans la ligne de mire et on fait un détour immense pour y arriver. Je me suis dit qu’il fallait utiliser cet inconscient collectif. Arco, lui-même, est aussi le fruit de l’inconscient collectif. C’est un mélange entre Peter Pan, Le Petit prince ou même Pierrot la Lune – toutes ces figures qui ont façonné notre imaginaire. Il me semblait important de partir d’une idée simple pour ensuite la complexifier, plutôt que de faire le chemin inverse. »


OVER THE RAINBOW
« Au début, quand j’étais à l’école, j’utilisais l’outil arc-en-ciel sur Photoshop, un peu par provocation car tout le monde me disait que c’était de mauvais goût. Puis je me suis réellement attaché à l’arc-en-ciel. Dans le passé, l’humanité vivait dans un monde de teintes ternes, et la couleur était un luxe, une façon d’égayer le monde. Aujourd’hui, malgré nos écrans, nous sommes de « vieux organismes » qui ont toujours besoin de ces vraies vibrations. Et l’arc-en-ciel représente aussi l’inconscient positif, c’est un lien avec l’espoir. Il indique qu’après la pluie vient le beau temps. Le film lui-même est conçu comme un gros câlin : il déclenche d’abord un chagrin pour pouvoir ensuite consoler, en utilisant l’arc-en-ciel comme promesse, pour dire : « Ça va aller ». Ce message incite les spectateurs, enfants comme parents, à prendre leurs émotions au sérieux, car nos alarmes intérieures nous guident vers un monde plus juste. »