
Décrivez-vous en 3 personnages de fiction.
Elle, jouée par Reese Witherspoon dans La Revanche d’une blonde de Robert Luketic (2000). Une gentille blonde « idiote » de la côte ouest [des Etats-Unis, ndlr], projetée au royaume des méchantes brunes « intelligentes » de la côte est, sans jamais perdre ses idéaux et ses illusions. Lorelei, campée par Marilyn Monroe, dans Les hommes préfèrent les blondes de Howard Hawks [1954, ndlr] : une fausse chercheuse de diamants qui ne renonce jamais à ses obsessions – et refuse de mettre ses lunettes. Philip Marlowe, incarné par Elliott Gould dans Le Privé de Robert Altman (1973). Un détective qui préfère la compagnie de son chat à celle des salauds qui peuplent les rues de sa ville [Los Angeles, ndlr].
3 héroïnes de cinéma qui vous impressionnent ?
Erin Brockovich, la mère célibataire fauchée qui devient lanceuse d’alerte sans jamais modifier sa garde-robe « vulgaire » et en bravant le mépris de l’institution, dans Erin Brockovich. Seule contre tous de Steven Soderbergh (2000). Avec cette réplique : « Vu que je n’ai ni cerveau ni formation juridique, j’ai dû faire 634 pipes en 5 jours pour boucler le dossier. Ouf ! Je suis crevée… » Margo Channing dans Ève… de Joseph L. Mankiewicz (1951). Reine des plateaux de théâtre, elle surgit en agitant ses cheveux, un martini dans une main, une clope dans l’autre, prévient ses invités – et les spectateurs – « d’attacher leurs ceintures » parce que ça ne va pas être une fête, un film, une vie de tout repos, et que les reines de la fête ne sont pas là pour s’ennuyer avec les bons vieux clichés – à commencer par celui de la rivalité féminine, que démonte le film. Pina dans Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini (1946), quand elle court après le fourgon qui embarque son mari résistant et s’écroule sous les tirs nazis, sous le regard de son fils qu’un prêtre résistant protège de sa main.

L’acteur ou l’actrice sur qui vous flashiez à 13 ans ?
Marilyn, dans tous ses rôles, ses écrits, ses photos.
3 films féministes que vous recommanderiez à la jeune génération ?
Les Femmes de Stepford de Bryan Forbes, de 1975 [sortie américaine, ndlr], sur un scénario inspiré du roman d’Ira Levin, pour arrêter de se faire lobotomiser par la norme hétéropatriarcale [le film suit deux amies qui enquêtent sur des femmes étrangement soumises à leur mari, dans la petite ville de Stepford, ndlr]. Hantise [Gaslight en VO, ndlr] de George Cukor (1947), pour apprendre à s’émanciper du « gaslighting » [une manipulation mentale pour faire douter, concept auquel Hélène Frappat a consacré son livre Le Gaslighting ou l’art de faire taire les femmes, paru en 2023, ndlr]. Céline et Julie vont en bateau de Jacques Rivette (1974), parce que, comme les héroïnes disent, « il était une fois, il était deux fois, il était trois fois, il était que, cette fois, ça ne se passera pas comme ça, pas comme les autres fois ».
3 leçons retenues dans des films ?
Ne jamais inviter un catholique à se glisser sous mon couvre-lit en fourrure blanche, comme dans Ma nuit chez Maud d’Éric Rohmer (1969). Ne jamais oublier de chanter sa chanson préférée à mon léopard d’intérieur, comme dans L’Impossible Monsieur Bébé de Howard Hawks (1938). Ne jamais partir en croisière avec un enfant qui apprécie mon magnétisme animal, comme dans Les hommes préfèrent les blondes.

3 scènes de films que vous aimeriez vivre ?
Courir nue sous la pluie avec un homme des bois, comme dans Lady Chatterley de Pascale Ferran [2006, ndlr]. Observer la brume spectrale au sommet d’un phare, comme dans Fog de John Carpenter (1980). Me gaver de bonbons magiques pour m’incruster dans des maisons imaginaires, comme dans Céline et Julie vont en bateau de Jacques Rivette.
3 cinéastes avec qui vous passeriez volontiers une soirée pour refaire le monde ?
Alice Diop, Alice Diop, Alice Diop ! Parce que c’est la plus brillante, la plus géniale, et la plus drôle.
: « Cinemagora », ciné-club en collaboration avec mk2 Institut,
au mk2 Beaubourg, à partir du 22 septembre
: Nerona d’Hélène Frappat (Actes Sud)
