
Que cherchez-vous en travaillant avec l’I.A. ?
De façon globale, je cherche à savoir comment les technologies émergentes peuvent ouvrir de nouveaux espaces narratifs. Ainsi quand, en 2022, j’ai été choisie comme Beta testeuse de DALL·E 2, j’ai essaye d’explorer le potentiel réflexif de cet outil au lieu de le traiter comme un usine à images.
Parlez-nous du projet photographique Juana y Josefa, dépeignant un duo de femmes anonymes, portant des costumes excentriques dans la vieille Espagne.
C’est une réinvention du passé destinée à changer le futur. Sous le régime franquiste, on exigeait des femmes qu’elles soient très discrètes en public. Mon but était donc de réinventer cette invisibilisation à travers une résistance tranquille. Ces personnages sont inspirés de ma tante et ma mère, mais j’ai décidé de cacher leurs visages pour qu’elles puissent représenter toutes les femmes vivant sous le regard scrutateur de leur entourage.

Comment êtes-vous parvenue à créer des images qui soient si typiques de l’Espagne ?
C’est un travail fastidieux. Mes prompts étaient archi spécifiques, souvent écrits avec des patois régionaux. Pour leurs costumes, j’ai puisé mes inspirations dans les catalogues de vente par correspondance de la fin des années soixante, puis les ai associées avec des costumes des films d’anticipation de cette époque.

D’où vous est venue cette idée de combiner mode et insectes dans Bugture ?
Ma mère travaillait dans la haute couture, elle s’occupait plus spécifiquement des boutons. J’en ai tiré une fascination pour les détails. Plus tard, j’ai photographié les coulisses de défilés de la fashion week pour W magazine et j’ai été sidéré de constater que le public ne regardait pas vraiment les vêtements : tout ce qui leur importait c’était les célébrités et se photographier pendant l’événement. J’ai alors commencé à prendre de manière obsessionnelle des photos des coutures, des broderies… J’ai aussi compris qu’il y avait un « bug » dans la haute couture et de là est née l’idée de Bugture. C’est une façon de montrer que la beauté se cache à la vue de tous.
L’industrie du cinéma se méfie de l’I.A. Qu’en est-il du monde de la mode ?
C’est un milieu beaucoup plus ouvert. Dès 2023, j’ai travaillé pour Versace avec une campagne publicitaire conçue en I.A. Les grandes maisons savent que l’innovation fait partie du luxe.
Et vous, l’I.A. vous fait-elle peur ?
Je redoute la globalisation de la culture, qu’une esthétique mondiale s’impose. C’est pour cela que je traite l’I.A. comme un sol que l’on doit nourrir d’une grande variété de graines et non pas comme un distributeur automatique.
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