
Comment êtes-vous devenue coach ?
Quand j’ai déménagé de San Francisco à Los Angeles pour poursuivre ma carrière d’actrice, comme je pouvais parler mandarin, cantonais et anglais, un de mes agents m’a proposé d’aider Jackie Chan sur Rush Hour [de Brett Ratner, 1999, ndlr], qui était son premier gros film américain. Le métier de coach consiste à aider un comédien à donner la meilleure interprétation possible tout en s’assurant que les dialogues seront prononcés avec clarté et conviction.
Je ne pourrais pas faire ce métier sans être moi-même comédienne : je dois décomposer ses dialogues comme je le ferais pour moi. Quand on commence l’entraînement, je dois avoir déjà réfléchi aux relations des personnages et à la scène pour l’aider à bien poser sa voix. Avec une série de signaux, je l’aide à placer sa voix et, quand c’est possible, je lui indique le son de la syllabe avec un caractère chinois. Idéalement, je devrais le faire travailler jusqu’à ce qu’il soit à l’aise, mais, à l’époque de Rush Hour, Jackie n’était pas très patient. Nous nous disputions souvent sur le plateau. Quand il était mécontent, il me pointait du doigt en disant : « Je prononce comme je l’entends. C’est de l’anglais à la Jackie Chan ! »
À quel moment du tournage débute votre travail ?
Un ou deux jours avant le début des prises de vue, en général, à l’exception de Karate Kid [de John G. Avildsen, 1984, ndlr] et de The Foreigner [de Martin Campbell, 2017, ndlr] : nous avons eu le luxe d’avoir une bonne période de répétitions pour ces deux films, avec tous les acteurs principaux et un des scénaristes qui retouchait les dialogues. C’est évidemment l’idéal.
Avez-vous déjà retouché vous-même les dialogues ?
Oui. Il m’est aussi arrivé de servir d’interprète entre le réalisateur et Jackie. Et quand on est dans l’urgence, je souffle directement les répliques à Jackie en restant à côté de la caméra.
Vous avez eu le privilège de travailler avec Jackie Chan pendant quasiment trente ans. Comment votre relation a-t-elle évolué ?
Je pense sincèrement qu’il m’a détestée au début. Mais avec le temps, on a appris à se connaître, et Jackie est devenu bien meilleur en anglais. Tout au début de notre collaboration, je le rendais fou. Une fois, il m’a dit : « Apprends-moi l’anglais, pas à jouer ! » Et j’ai dû lui expliquer que les deux choses étaient intrinsèquement liées. Mais ces dernières années, il m’a dit : « Tu es comme un réalisateur pour moi », et c’était un sacré compliment venant de lui. Quant à moi, je me sens extrêmement privilégiée d’avoir pu travailler aussi longtemps aux côtés de cette légende vivante.
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FICHE MÉTIER
Un coach de dialogues, ou coach dialectal, aide un comédien à prononcer correctement ses lignes de texte, en particulier quand il doit jouer dans une langue qu’il maîtrise peu, voire pas du tout. Il s’agit d’entraîner l’acteur à prononcer correctement des phonèmes, mais aussi à donner les bonnes intonations pour éviter les contresens ou que sa voix ne sonne faux.