QUEER GAZE · Kae Tempest : « Je n’ai jamais vu de gouine comme moi à la télévision »

Poète, dramaturge, romancier, rappeur, Kae Tempest s’est imposé en quatre albums aux avant-postes d’une génération baignée de hip-hop, de jazz et d’électronique. Avec son nouvel album « Self Titled », il retrace son parcours vers l’acceptation et la connaissance de son identité. On lui a demandé quelles images dans ce cheminement avaient fait battre son coeur queer.


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Kae Tempest (c) Jesse Glazzard

« Quand j’étais jeune, je n’ai pas vu grand-chose qui résonnait en moi de cette manière. Peut-être à cause de la sous-représentation, ou à cause de ma propre répression et de la manière dont j’avais intériorisé ma transphobie et mon homophobie, peut-être parce que je n’ai pas cherché à voir ces films. J’ai appris à inverser mon regard sur des histoires hétéronormatives et je me suis retrouvé dans des personnages qui parlaient à mon âme, même s’ils ne parlaient pas de mon expérience.

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Je n’ai jamais vu de gouine comme moi à la télévision. Je n’ai jamais rien vu qui ressemblait à mes histoires d’amour. La première fois que je me souviens avoir vu quelque chose qui semblait connaître la partie de moi que je ne pouvais pas nommer, c’était Boys Don’t Cry [film de Kimberly Peirce sorti en 1999, retraçant les derniers jours de Brandon Teena, assassiné en 1993 à 21 ans pour avoir mené sa vie de jeune trans dans un coin reculé des États-Unis, ndlr]. Et puis, en termes de vidéos musicales, je suppose que les clips de Rihanna ont allumé mon cœur queer. Je suis désolé de ne pas pouvoir en dire plus. J’étais trop dans le placard pour savoir ce que ces images me faisaient. J’étais totalement engourdi, insensible à moi-même en un sens, je ne vivais que pour ma musique et mes textes, qui m’aidaient à m’évader de mon corps.

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Bien plus tard, dans ma vingtaine, ma partenaire de l’époque m’a montré le film Hedwig and the Angry Inch [comédie musicale aujourd’hui culte de John Cameron Mitchell sortie en 2001, ndlr]. J’ai adoré. Mais je peux dire que mon véritable voyage vers l’acceptation et la découverte de moi-même a commencé assez récemment, et toutes les personnes que l’on peut voir dans la vidéo de mon single Statues [invitant des figures influentes de la scène queer et LGBTQ+ britannique, dont Princess Julia, Joelle Taylor, Sweatmother, Debbie Smith et Dr Ronx, ndlr] résonnent avec mon identité queer. Elles ne viennent pas du cinéma ou de la télévision, ce sont des personnes bien réelles que j’ai rencontrées et ce sont elles qui m’ont fait le plus me sentir soutenu et qui m’ont le plus inspiré. »

Self Titled de Kae Tempest, disponible, Island Records