
Comme les deux jeunes héros de son film qui s’interrogent pendant un voyage en train, on lui pose la question : quelle est ta plus grande peur ? « Je me souviens, tard le soir, d’un virage dans le métro. J’y ai croisé une vieille dame ébouriffée, raide, qui me fixait, figée, comme dans un film d’horreur. »
Jocelyn Charles, qui travaille depuis 2020 avec le studio Remembers, sait comment nous glacer le sang. Cette apparition – la grand-mère hirsute du métro – lui a inspiré le personnage de Gilda. Dans Dieu est timide, Gilda interrompt les deux amis pour raconter qu’elle parvenait à communiquer avec Dieu à travers le corps de son mari endormi. Elle l’interrogeait sur nos origines, mais Dieu la mettait en garde : sa curiosité allait la perdre…
Le cinéaste qui, dans l’enfance, fabriquait des flipbooks, avant d’étudier à Boulle, Estienne, puis aux Gobelins, transfigure ses angoisses. D’abord, celle de l’absurdité de l’existence : « C’est fou qu’on vive sur cette sphère qui flotte. Je ne comprends pas pourquoi ça n’occupe pas toutes nos conversations. » Et puis celle, plus intime, d’une perte de contrôle, vécue lors d’épisodes de paralysie du sommeil avec hallucinations physiques et sonores.
Des impressions déroutantes, surgies d’un subconscient déchaîné, qui traversaient déjà ses clips pour L’Impératrice ou The Weeknd. Et façonnent son style d’animation : déformations quasi imperceptibles des visages, foisonnement visuel évoquant le cinéma d’Ari Aster ; et ce motif d’une nature indomptable, hérité de son amour pour les films de Hayao Miyazaki.
À l’avenir, Jocelyn Charles aimerait explorer un registre plus poétique, peaufiner aussi ce qui saisit dans Dieu est timide : l’incarnation. « J’ai envie de ramener de l’authenticité dans ce médium, l’animation, où tout est tellement contrôlé. »
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