« Querer » sur Arte : une série percutante sur les mécanismes de la misogynie

La série espagnole, primée au dernier festival Séries Mania, raconte en quatre épisodes implacables la lutte d’une femme pour obtenir le divorce et faire reconnaître l’emprise subie pendant des années. Un huis clos saisissant, doublé d’une puissante réflexion sur la transmission de la misogynie.


querer
Querer

En espagnol, le verbe « querer » peut signifier deux choses : « vouloir» ou « aimer». La série du même nom, repartie de Séries Mania en mars dernier avec le Grand Prix, joue sur cette subtilité langagière pour rappeler que certains hommes confondent encore les deux. Et prennent les sujets de leur amour pour les objets de leur volonté.

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Iñigo Gorosmendi, bourgeois du Pays basque, est de ceux-là. C’est en tout cas ce qu’affirme Miren, son épouse, qui, à la cinquantaine passée, a décidé de faire ses valises – dans une scène d’une tension extraordinaire. Elle veut le divorce. Mais accuse, aussi. De viols, de violences, d’emprise psychologique. Ses deux fils, Ion et Aitor, n’en reviennent pas, eux qui n’ont rien vu. Le premier accueille sa mère, le second la repousse.

D’une histoire de violences conjugales que l’on pourrait penser banale – surtout maintenant que la fiction s’empare volontiers du sujet –, Alauda Ruiz de Azúa, Eduard Sola et Júlia de Paz, créateurs de Querer, tirent quatre épisodes saisissants qui, sans surplus ni oubli, tirent habilement tous les fils d’un problème plus vaste.

Peu à peu se dévoilent les violences économiques, la difficulté des femmes maintenues dépendantes à continuer de vivre – travailler, garder du lien avec les autres, marcher dans la rue sans sursauter – et les failles d’un système judiciaire pourtant bien rôdé – un épisode de procès fascinant met à nu les subtilités de cette justice espagnole qui a bénéficié du milliard d’euros débloqué par le gouvernement en 2017 pour lutter contre les violences conjugales.

Mais le plus puissant reste la description des relations de Miren avec ses fils, si nuancée et cruelle à la fois. Qu’ils le veuillent ou non, Ion et Aitor sont les héritiers de cette violence misogyne profonde, qui se transmet comme un poison et ruine les familles. Ils sont aussi la génération qui a les moyens de prendre conscience de ces atavismes. La série n’est jamais aussi belle que lorsqu’elle appelle à se défaire du joug de nos pères.

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disponible sur arte.tv

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