
Maxime : Comment as-tu travaillé avec les scénaristes de cette BD ?
Ce sont les éditeurs qui nous ont mises en contact. Tegan et Sara Quin m’ont envoyé un script qui racontait leur vie au collège, et je l’ai adapté pour en faire un roman graphique. J’ai pu faire des coupes, ajuster et réécrire certains dialogues. Elles m’ont fait entièrement confiance !
Anselmo : Quel est ton personnage préféré entre Sara et Tegan ?
Comment oses-tu me demander de choisir ?(Rires)
A. : Dans le livre, pas dans la vraie vie ! Moi, je préfère Sara…
Moi aussi ! Je m’identifie plus à Sara, qui a plus de conflits intérieurs et qui est moins intéressée que sa jumelle Tegan par les réseaux sociaux et la célébrité.
A. : Je déteste le personnage d’Avery, c’est une harceleuse homophobe. Toi aussi, tu as fait ce genre de rencontre à l’école ?
J’étais au lycée en 2010, au Texas, un État très conservateur des États-Unis. Ce n’était ni une époque ni un lieu idéals pour être gay. Certains élèves étaient impitoyables ! Adulte, je croise encore ce genre de petits tyrans, mais aujourd’hui je ne me laisse plus intimider, je me sens beaucoup plus forte.
M. : Quel genre d’adolescente étais-tu ?
J’avais très peu d’amis et beaucoup de difficultés à trouver mon style. Je me sentais obligée de porter des vêtements de fille, même si je n’en avais pas du tout envie. À l’époque, si j’avais été là, assise avec vous, je n’aurais pas osé dire un mot.
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M. : Tu étais très timide, c’est pour ça que tu as choisi la BD ?
Grâce à la BD, j’ai trouvé le moyen de dire tout ce que je voulais. Je pouvais enfin être impolie, audacieuse, triste et colérique ! Encore aujourd’hui, je ressens cette sensation de liberté quand je dessine.
A. : Tu n’as pas peur pour ton avenir depuis le retour de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis ?
Aucun gouvernement ne m’empêchera de créer, mais j’ai peur pour mon fils. J’ai la chance d’habiter dans une forêt dans le Vermont, près du Canada. Dans cet État, les droits des couples homosexuels qui ont un enfant sont respectés, mais ce n’est pas le cas dans tous les États. C’est effrayant !
M. : Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui aimerait devenir artiste ?
Premièrement, terminez tout ce que vous commencez. Si vous décidez d’écrire une histoire, même si à mi-chemin vous vous détachez de votre personnage, vous devez aller jusqu’au bout ! En dessin, c’est la même chose : quand vous dessinez une personne, même si vous pensez avoir raté son visage, ne vous arrêtez pas, dessinez aussi son corps. Vous n’en avez peut-être pas envie, mais dessinez ses pieds. Peu importe si ce n’est pas parfait. Deuxièmement, il me semble qu’être dur avec soi-même rend la création plus difficile. Cela ralentit, car on se juge à chaque étape. Aucun artiste ne sait vraiment ce qu’il fait, les professionnels comme les jeunes. Acceptez votre art tel qu’il est et regardez votre œuvre avec gentillesse. C’est le secret pour avancer.
Double Crush de Tegan Quin, Sara Quin et Tillie Walden, dès 10 ans
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