CANNES 2025 – The Mastermind : Vol planant

Trois ans après « Showing Up, Kelly » Reichardt revenait en Compétition à Cannes à la faveur d’un film de braquage installé dans le Massachussetts des années 1970, dont Josh O’Connor est l’indolent anti-héros. Nouvelle prouesse d’écriture et de tempo, ce Mastermind dézingue patiemment l’inaction des nantis.


The Mastermind
© Premier

Pris dans une situation financière délicate, JB Mooney, menuisier au chômage, se met à dérober des œuvres d’art au musée du coin, dont le dispositif de sécurité est assez peu rôdé. S’il s’entraîne d’abord sur des figurines « de poche », ce père de famille désinvolte imagine bientôt un coup d’une plus grande envergure avec le recel de quatre tableaux de l’artiste américain Arthur Dove. Mais l’opération, préparée avec oisiveté, tourne bien sûr au vinaigre et voilà bientôt le trentenaire en cavale.

Il fallait bien le cerveau génial de Kelly Reichardt pour s’approprier un genre a priori lointain de son cinéma et en proposer une déclinaison au rythme très singulier, qu’accompagne une B.O. aux sardoniques tonalités jazz. Éternellement précise et patiente dans l’observation de ses personnages, la cinéaste américaine donne à son film un rythme propice à explorer l’intrigante figure de JB, que campe un sibyllin Josh O’Connor, d’abord attachant puis ouvertement égoïste. Issu d’un milieu relativement aisé – son père est juge et sa mère lui verse des avances sans trop de mal – ce grand dadet laxiste, vaguement impliqué dans sa vie de famille, donne à voir une Amérique que les grands bouleversements sociaux et politiques émeuvent peu.

Dans l’aspect bringuebalant de ses méfaits mais aussi de sa cavale, opérés sans soin ni véritable enjeu, JB traduit le privilège de ne jamais être tout à fait en danger, de se reposer sur les acquis et luttes d’autrui. Et Reichardt de faire des rares mais essentielles figures féminines du film – qu’incarnent les géniales Alana Haim (que l’on n’avait plus vue depuis Licorice Pizza en 2021) et Gaby Hoffmann – les véritables « masterminds » (« cerveaux ») de cette diatribe qui prend brillamment le temps de révéler son nerf.

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