CANNES 2025 · Avec « Sorry, Baby », Eva Victor signe un grand film de réparation

Valeureux prétendant à la Caméra d’or, le premier long métrage d’Eva Victor, qui s’est fait connaître avec ses désopilantes vidéos virales, est un objet aussi loufoque que bouleversant où le traumatisme trouve consolation dans une grande amitié.


sorry baby
"Sorry, Baby" d'Eva Victor Copyright A24

Ancienne brillante étudiante en lettres, Agnes – incarnée par Eva Victor – occupe désormais un poste de professeur dans son université de formation, que tous ses camarades ont quittée. Locataire d’une bicoque typique de la Nouvelle-Angleterre, où elle vivait déjà pendant ses études, la vingtenaire accueille, dans plusieurs des quatre chapitres qui émaillent le film, sa meilleure amie Lydie (irrésistible Naomi Ackie, vue dans Mickey 17), mariée et enceinte de son premier enfant.

L’intimité qui s’exprime entre elles dès la scène introductive annonce une délicatesse d’écriture assez formidable, comme un sens du rythme et de la mise en scène franchement solides pour un premier long. Une fois n’est pas coutume, le film ne connaît d’ailleurs pas à Cannes sa première mondiale puisqu’il a été présenté à Sundance en janvier dernier, écrin tout trouvé pour cette proposition au style déjà affirmé. Pour autant, Sorry, Baby s’évite les quelques poncifs rattachés à un certain cinéma américain indé en évacuant une construction chronologique, sans jamais chercher le climax, et en travaillant le cocasse d’une façon très singulière.

En choisissant de ne pas montrer la scène de violences que subit Agnes, et qui entraîne chez elle un profond mal-être, mais la vie qui s’invente après, toute cahoteuse soit-elle, Eva Victor fabrique des images qui donnent la pleine place à son héroïne, sans confrontation avec l’agresseur, mais dans un regard bouleversant sur le cheminement psychologique d’Agnes. Sorry, Baby prend le temps et l’espace, donne à la jeune femme la place concrète d’une réparation en réinvestissant les pièces de sa maison – métaphores de sa psyché en vrac – et en faisant de la grande amitié qu’elle entretient avec Lydie un soutien tangible, loin du cliché qui voudrait que les liens s’annihilent avec la venue au monde d’un enfant. Et, ce faisant, donne à voir une identité que ne définit pas l’acte l’agression, et où se joue un rapport au monde bien vivant, drôle et poétique.

Retrouvez tous nos articles sur le 78e Festival de Cannes, qui se tient du 13 au 24 mai.