CANNES 2025 · « History of Sound » d’Oliver Hermanus : passion simple

Oliver Hermanus unit Paul Mescal et Josh O’Connor dans un mélodrame pudique, tout en non-dit. Un beau film plein de regrets porté par deux acteurs au sommet. Sortez les mouchoirs.


history of sound
© Fair Winter LLC

On aura beau chercher ailleurs, jouer les durs et être « au-dessus de ça », les histoires d’amour au cinéma, ça fait toujours son effet. Peut-être parce que le cinéma essaie de nous donner à voir ce qui reste un grand mystère. Qu’est-ce qui fait que deux personnes s’attirent ? Qu’est-ce qui se passe dans l’air quand l’amour prend toute la place ? Adapté d’une nouvelle de Ben ShattuckThe History of Sound n’est rien d’autre que l’histoire d’un grand amour racontée, en apparence, par sa surface. 

Dans l’Amérique du début du siècle dernier, Lionel (Paul Mescal) croise dans un bar la route de David (Josh O’Connor). Côte-à-côté sur la banquette d’un piano, ces deux-là sentent que quelque chose les unit. Ils vont s’aimer, tout de suite. Là n’est pas la question. Et c’est d’emblée ce qui surprend. Le mélodrame gay attendu (la peur de l’homophobie, le secret, les larmes, tout ça tout ça) est tout de suite déjoué par une étrange simplicité. Les deux garçons s’aiment. Point final. Mais ce qui intéresse ici le réalisateur Oliver Hermanus, c’est ce qu’on ne voit pas, ce qu’on en emporte avec soi, ce qui flotte dans l’air. L’amour et le son ont ceci de commun d’être invisibles et pourtant de prendre toute la place. 

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Paul Mesdcal
© Fair Winter LLC

Quand la Première Guerre mondiale survient, qu’elle sépare ces deux-là, le film installe alors son dispositif, tout en non-dits, en observant Paul Mescal vivre avec ce souvenir. Rien n’éclate à l’écran et c’est au départ surprenant, presque un peu décevant. Mais tandis que le récit se déploie et raconte l’Amérique rurale, la virilité, les traditions, Paul Mescal devient le centre du film, et nous devenons les gardiens taiseux de cette histoire passée qui l’habite en secret. Joliment, le film va lier et délier ces deux-là, sans heurts ni mélo, Josh O’Connor réapparaissant pour l’emmener le long d’un voyage pour enregistrer les chansons folks du pays.  Et c’est dans un geste, un regard, un silence qu’Hermanus nous raconte l’amour. Toutes ces choses comme la musique qui nous traversent et qu’on n’arrive jamais tout à fait retenir.

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History of Sound
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Somptueux, The History of Sound pourrait être une sorte de « Portrait du jeune homme en feu » pensé ici par le souvenir, le regret, mais aussi l’incompréhension, le doute, le manque que l’on doit taire. Si, longtemps, le film navigue en surface avec un classicisme trompeur et semble filer tout droit, quand in fine les fissures apparaissent, quand dernière la sobriété de l’image quelque chose à l’intérieur de Paul Mescal craque, nos larmes coulent. Et comme le doigt sur une page nous brisait le cœur dans le film de Céline Sciamma, le son d’un phonographe du passé vient lui révéler ici la tristesse de deux vies gâchées.

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