CANNES 2025 · Avec « Eleonor The Great », Scarlett Johansson signe un premier film qui touche au cœur 

S’intéressant à une héroïne de 90 ans qui vit un deuil douloureux, Scarlett Johansson signe pour son premier film en tant que réalisatrice une étonnante histoire d’usurpation identitaire et mémorielle qui convainc par sa portée sentimentale.


eleonor the great
"Eleonor the Great" de Scarlett Johansson (c) TriStar Pictures

Dès ses premières minutes, ce film de Scarlett Johansson surprend en dépeignant la vie tranquille de deux amies nonagénaires vivant une paisible retraite en Floride. Inséparables et n’ayant plus aucun secret l’une pour l’autre, ces deux femmes juives américaines de 90 ans, Eleanor (June Squibb) et Bessie (Rita Zohar), évoqueraient presque une version âgée et assagie des deux adolescentes de Ghost Wold (Terry Zwigoff, 2001), un des premiers films où brilla Scarlett Johansson.

Mais le récit bifurque vite après le décès de Bessie, qui laisse Eleanor face à un immense chagrin. La vieille dame retourne alors à New York habiter chez sa propre fille et va se lier d’affection avec une étudiante de 19 ans (Erin Kellyman), à qui elle confesse soudain être une rescapée de la Shoah. Ce qui est en réalité l’histoire de sa regrettée amie Bessie, qu’elle s’approprie et fait totalement sienne en travestissant les faits. Ce témoignage va fortement intéresser l’étudiante et son père (Chiwetel Ejiofor), éminent journaliste de télévision, si bien qu’Eleanor se trouve prise dans un dangereux engrenage de mensonges auprès de ses différents entourages.

Sur cette trame narrative qui mêle deuil amical, mémoire de la Shoah, usurpation d’identité, dysfonctionnements familiaux, passage de relais entre générations et réflexion sur la fabrique des fake news, Scarlett Johansson délivre une oeuvre au rythme doux mais faussement sirupeux, où l’omniprésente musique mélancolique au piano alterne avec des séquences pleines de colère, de désorientation et de trahisons. S’appuyant sur un casting remarquable, la réalisatrice met ainsi superbement en valeur June Squibb qui, du haut de ses 95 ans, porte toute la délicate émotion du film sur ses épaules.

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Celle qui fut nommée à l’Oscar 2014 de la meilleure actrice dans un second rôle pour Nebraska offre à son personnage, entre ingénuité d’une enfant perdue et malice d’une grand-mère expérimentée, une épatante épaisseur sentimentale. Comme apaisée par la performance de cette aînée attendrissante, la réalisatrice Scarlett Johansson fait au final triompher des valeurs de compréhension mutuelle et de solidarité harmonieuse face à la douleur des grandes tragédies passées comme présentes.

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