LA SEXTAPE · Val Kilmer, la poupée Barbie ultime

Journaliste cinéma et animatrice du Cercle sur Canal+, Lily Bloom nous parle de l’empreinte que lui a laissée l’allure sexy et désinvolte de l’acteur de « The Doors », décédé le 1er avril.


Val Kilmer
© 1991 STUDIOCANAL

Val Kilmer est mort. Et je réalise qu’il a changé ma vie. Au-delà de toute considération cinéphile, The Doors d’Oliver Stone a dévié le cours de mon destin. Un été d’ennui morne, le soleil à son zénith, la vie comme immobile, moi suspendue entre impatience et crainte qu’elle ne commence jamais.

Par hasard, je tombe sur une VHS de The Doors d’Oliver Stone (1991) chez mon oncle, un brin marginal. Je me souviens encore de la silhouette de Val Kilmer en Jim Morrison dans un halo de lumière sur la jaquette. Dehors, les parents, les cousins s’amusent. Vaisselle, éclats de rire, discussions qui m’agacent. Je m’enferme dans une chambre. Je lance le film. Et cette voix – celle de Jim, ou plutôt celle de Val, à jamais confondues – dit : « The ceremony is about to begin. » Travelling vertigineux sur le désert des Mojaves. « Riders on the Storm » s’envole.

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Dès cette scène, vertige quasi mystique : j’avais trouvé ma nouvelle religion. Mon prophète. Mon roi lézard. Je me souviens de ce plan où un journaliste lui demande de décliner son nom et sa profession. Il répond simplement, moue ravageuse : « Jim. » Sex-appeal aliénant. Je rembobine la scène cent fois. Peut-être mille. Le film aurait d’ailleurs dû s’appeler Jim, pas The Doors. Il ne raconte pas l’histoire d’un groupe : il fabule, il hallucine le poète. La scène follement romantique où il grimpe dans un arbre, à la manière de Roméo pour murmurer « You’re the one ». La séance photo iconique où il devient un dieu du rock devant l’objectif d’une photographe.

Pour reprendre les mots d’une critique dans le film, Jim est « The ultimate Barbie doll », un chaman de poche pour jeune fille. Il disait : « Si ma poésie tend à accomplir quelque chose, c’est à délivrer les gens de leur manière étriquée de voir et de ressentir. » Après ce film, alors qu’il m’arrivait encore de porter des cols Claudine, j’eus soudain l’absolu certitude que prendre du LSD dans le désert avait plus de sens qu’une vie respectable. Je me suis empressée de lire William Blake, Allen Ginsberg, Jack Kerouac, Aldous Huxley… J’ai développé un goût pour les garçons excentriques, étranges, presque dérangés. Je suis sortie de cette projection solitaire avec une certitude confuse, mais indélébile : il existait autre chose. Une vie plus grande. Plus libre. Plus brûlante. Et il suffisait… d’ouvrir la porte.

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