« Rumours, nuit blanche au sommet » de Guy Maddin, Evan et Galen Johnson : un G7 horrifique

Cate Blanchett et Denis Ménochet en Angela Merkel et Emmanuel Macron dans une farce macabre hors norme ? En imaginant un G7 qui vrille en apocalypse zombi, Guy Maddin, Evan Johnson et Galen Johnson raillent les rituels étranges de la diplomatie internationale, dont l’horreur grotesque se révèle plus convaincante que tous les communiqués officiels.


Rumours
© Ed/Potemkine Films

Costumes bleu marine déprimants, sourires extatiques, poignées de mains forcées, verbiage étrange… Oui, sans sombrer dans les théories du complot, on peut trouver un petit côté film d’horreur aux sommets du G7, ces réunions réunissant les gouvernants de la France, de l’Allemagne, du Canada, de l’Italie, du Japon, des États-Unis et du Royaume Uni, sept pays parmi les plus riches du monde.

Guy Maddin (Winnipeg mon amour, The Saddest Music in the World), Evan Johnson et Galen Johnson ont certes un peu forcé le trait pour réaliser un vrai film de genre. Délaissant son esthétique de cinéma des premiers temps, revisitée par sa dinguerie surréaliste, Maddin profite de sa collaboration avec les deux frères (entamée en 2015 avec le court Bring Me the Head of Tim Horton) pour malmener l’imagerie lisse et affectée de la com politique de crise.

Jouant à nous désarçonner, Rumours ressemble tour à tour au reportage d’une chaîne d’info en continu, à une sitcom à l’eau de rose (on adore les idylles déçues du Premier ministre canadien avec ses homologues britannique et allemande), à un huis clos camp à la 8 Femmes, à un délire fantastique bricolé à la Bertrand Mandico, à une satire buñuelienne, à une quête épique et mystique type Seigneur des anneaux, avec pour couronner le tout le même spleen apocalyptique que le Melancholia de Lars von Trier.

Cate Blanchett (dont le nom au casting a permis à Maddin bien plus de moyens que sur ses autres films), Denis Ménochet et les autres s’en donnent à cœur joie dans la parodie. Chacun d’eux joue avec des archétypes, s’inspire plus ou moins de dirigeants réels – l’arrogance viriliste française, la posture rigide, le carré sage et le tailleur saumon pour l’Allemagne, l’endormissement facile pour les États-Unis – dans une tradition de caricature des puissants. Mais pas seulement. Car soudain ces leaders, qui voudraient toujours afficher force, combativité, morale et bravoure, abandonnent tout quand ils sont pour la première fois livrés à eux-mêmes et à une horde de zombis ressuscités de l’âge du fer.

La richesse composite de l’univers est l’occasion pour les acteurs de densifier leur interprétation au-delà de la satire, d’humaniser leurs personnages délivrés des oripeaux liés à leur fonction, dans le burlesque comme dans le lyrisme le plus absolu. C’est ce qui permet aux cinéastes de saisir tout le comique, la tristesse, l’absurdité ou le caractère mortifère du pouvoir. Comme dans cette scène folle où tout le G7 tombe soudain sur un rituel zombi, perdu dans des lumières gothiques et vaporeuses. Un sabbat au cours duquel des cadavres se masturbent dans des danses désarticulées – comme le miroir grimaçant de leur table des négociations où c’est surtout la vanité qui gouverne.

Rumours, nuit blanche au sommet, de Guy Maddin, Evan et Galen Johnson, 1h44, Ed/Potemkine Films, sortie le 7 mai