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FOCUS : La fin de l’été dans le cinéma français

  • Léa André-Sarreau
  • 2019-09-10

Avec son léger parfum de nostalgie qui peu à peu se précise, la fin des vacances estivales, c’est un peu la fin d’une parenthèse solaire et candide. Alors que sonnent les cloches de la rentrée, on a voulu revenir sur la manière dont plusieurs cinéastes français ont encapsulé cet instant si particulier. Retour en 5 films sur les fins d’été dans le cinéma français.

Le Rayon Vert, Éric Rohmer (1986)

Chez Rohmer, la fin des vacances correspond à un carrefour de vie décisif. Partir ou rester revient à donner son cœur ou à le reprendre. C’est pourquoi ses films sont faits d’allers-retours incessants, de départs avortés ou recommencés, à l’image des hésitations de ses personnages. Dans Le Rayon Vert, Delphine (Marie Rivière), jeune parisienne idéaliste et mal dans sa peau, traîne sa mélancolie entre Paris, Cherbourg et Biarritz, à la recherche d’une stabilité amoureuse qu’elle fuit toujours pour aller à la rencontre du hasard. Mais cet exode sentimental, saisi à travers des plans-séquences étirés et de longues conversations improvisées, n’aura pas servi à rien. A force de se perdre, Delphine trouvera enfin, les yeux plein de larmes, le fameux « rayon vert » du titre, qui d’après la légende permet de lire dans ses propres sentiments…Ce regard vers l’horizon constitue peut-être le seul vrai départ du film, celui qui permettra à l’héroïne de trouver qui elle est.

Les Roseaux sauvages, André Téchiné (1994)

1962, dans le Sud-Ouest de la France. Sous un soleil écrasant, Maïté, François et Henri confrontent leurs idées politiques et confessent leurs sentiments, dans les couloirs de l’internat ou sur les berges de la Garonne. Dans ce récit choral sur lequel flotte la menace de la guerre d’Algérie, la fin de l’été tant redoutée ne sonne pas comme une fatalité mais ouvre sur une ère de réconciliation apaisante. Alors que leurs convictions les opposent (l’un milite pour l’OAS, l’autre au Parti Communiste), Maïté et Henri se découvrent une attirance réciproque, tandis que François réalise qu’il aime les garçons. Comme dans la fable de La Fontaine à laquelle le titre du film fait référence, les personnages plient face aux tumultes de l’adolescence sans jamais rompre, et Téchiné filme cette plénitude dans une conclusion hédoniste, au diapason des palpitations de la nature.  

À nos amours, Maurice Pialat (1983)

À nos amours raconte l’histoire de Suzanne (Sandrine Bonnaire), une ado tout juste rentrée d’une colo sur la Côte d’Azur, où elle enchaînait les flirts avec insouciance. Mais Pialat ne s’attarde pas sur ce moment d’émancipation, et préfère nous montrer son violent retour à Paris. Dans des séquences épuisantes, les tensions familiales rejaillissent : Suzanne subit le départ de son père colérique (interprété par Pialat  lui-même), la fureur de sa mère et affronte la présence oppressante de son frère. Loin derrière elle, le sentiment de liberté qu’elle a connu se dissipe pour révéler les contradictions –choisir l’indépendance ou la vie de famille, la rébellion ou la résignation ? Il faudra attendre l’été suivant et le retour à San Diego pour que Suzanne, tel un serpent laissant sa peau d’hiver, mue et renaisse.

Du côté d’Orouët, Jacques Rozier (1971)

Avant même que l’été se termine, il règne une atmosphère automnale sur les vacances de Joëlle, Karine et Caroline. La côte vendéenne y est déserte et les journées sont rythmées par l’ennui, comme si cette parenthèse s’évaporait déjà sous nos yeux. Le pic mélancolique du film se situe dans son épilogue, sorte de rentrée des classes revisitée où Rozier fait raconter à ses personnages leurs périples. Chacun rêve de repartir tout en reprenant ses habitudes, et c’est sur le regard dans le vague de Joëlle, jamais vraiment à sa place, que Du côté d’Orouët conclut son voyage.

Le Bonheur, Agnès Varda (1965)

François, jeune menuisier, aime sa femme Thérèse, mais tombe aussi amoureux, du jour au lendemain et sans remords, d’Émilie… En couleurs vives, sous des atours chatoyants, Agnès Varda filme paisiblement la cruauté de cette fable. Passés les beaux jours  de volupté, le film bascule brutalement de la légèreté au deuil. Alors qu’il commence en un après-midi d’été inondé de lumière, le film s’achève sur les feuilles rougeoyantes de l’automne, tandis qu’Émilie, presque naturellement, prend la place de Thérèse après sa mort, sans que Varda n’émette aucun jugement sur les mœurs de ses personnages. 

Image: Le Bonheur, Agnès Varda, Copyright Ciné Tamaris

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