I.A. QUOI ?  · La vente et l’échange

L’édito de Julien Dupuy. À l’heure où nous rédigeons cet éditorial, les juges n’ont pas encore délibéré sur le procès intenté à Midjourney par Disney et Universal NBC pour violation de copyright. Les deux majors hollywoodiennes se plaignent, notamment, que ces plateformes permettent à leurs usagers d’exploiter du contenu protégé. Autrement dit, si les représentants […]


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Campbell's Soup Can - Vieux-Québec / Tony Webster (CC 2..0)

L’édito de Julien Dupuy. À l’heure où nous rédigeons cet éditorial, les juges n’ont pas encore délibéré sur le procès intenté à Midjourney par Disney et Universal NBC pour violation de copyright. Les deux majors hollywoodiennes se plaignent, notamment, que ces plateformes permettent à leurs usagers d’exploiter du contenu protégé. Autrement dit, si les représentants de Midjourney sont trainés devant les tribunaux pour fournir la capacité à enfreindre le copyright, ce sont bien ses usagers qui commettent le crime qui a déclenché l’ire de Disney et Universal. Cette bataille juridique implique donc, par défaut, tous les utilisateurs du générateur. Et à ce titre, il est éclairant de comparer cette situation avec un précédent édifiant.

Quand Andy Warhol lance ses sérigraphies Flowers, il reprend, en la modifiant, la photographie d’un hibiscus signée Patricia Caufield. Même chose avec Race Riot, basé sur le travail de Charles Moore pour le magazine Life, ou Nine Jackies, exploitant les portraits photographiques de Fred Ward. Or, aucun de ces photographes ne fut contacté, ni rémunéré, par la star du pop art. Si Andy Wahrol, puis sa Fondation, ont été attaqués en justice pour ces emprunts, les procès se sont tous soldés par un non-lieu, principalement sous l’argument du « fair use » américain que l’on peut rapprocher du « droit de citation » français. Plus concrètement, les juges ont estimé que Wahrol ne reprenait pas in extenso le travail d’autrui, mais le modifiait avec ses moyens et sa vision pour se le réapproprier. Ainsi, la jurisprudence Warhol pourrait venir contrarier les accusations de Disney et Universal : aucun utilisateur d’I.A. ne reproduit in extenso une séquence de Moi, moche et méchant ou de La Guerre des Étoiles. Ce sont des pastiches, des relectures, des détournements qui portent la patte, quand bien même elle est minime, de l’utilisateur et du générateur.

Il est d’autre part intéressant de revenir sur le legs de l’une des œuvres les plus connues de Warhol : Campbell Soup’s Can. Si la société Campbell avait un temps pensé conduire l’artiste devant les tribunaux, ses dirigeants finirent par se raviser. Aujourd’hui, l’œuvre et son succès ont permis à cette banale boîte de conserve de connaître une notoriété immense, peut-être même un anoblissement inespéré. Cette réappropriation qui fut perçue un temps comme un vol, relève plus en réalité du troque : Warhol s’est nourri du travail du designer de ce logo, mais a lui-même nourri sa source d’inspiration. Et c’est peut-être ici que l’argumentaire des majors pourrait connaître ses limites : ces sociétés appréhendent le cinéma sous une perspective exclusivement mercantile. Autrement dit ils soumettent une proposition artistique à leurs spectateurs, mais uniquement contre une rémunération. Mais l’échange qui porte toute expression artistique ne doit-elle pas aller au-delà du seul rapport marchand ?

EN +

+ En juin dernier, Anthropic (générateur I.A. fondé par d’anciens membres d’OpenAI) a gagné un procès intenté par plusieurs éditeurs en faisant valoir la jurisprudence du « fair use ».

+ Si elle reprend en partie l’argument du « fair use », la réponse publique de Midjourney face aux accusations de Disney et Universal rappelle aussi que les artistes qui travaillent dans ces studios utilisent déjà énormément leur générateur.

I.A. PLAYLIST

Des classiques du cinéma de Kung-fu, notamment Il était une fois en Chine de Tsui Hark ou certains des premiers Bruce Lee, vont être restaurés à l’aide d’outils I.A. Un moindre mal, considérant la piètre conservation des copies 35mm dans l’archipel hongkongais. Source : Deadline.

Une histoire terrible et ubuesque à la fois : la chute de la start-up Builder AI, dont les prouesses ne se basaient pas sur une intelligence artificielle virtuose, mais sur un très grand nombre de travailleurs (majoritairement Indiens) cachés et sous payés.

La boucle est bouclée : le réalisateur canadien Vincenzo Natali a créé par I.A. un portrait du père du cyberpunk, William Gibson.

Comment expliquer à votre oncle qu’il faut se méfier de l’I.A. ? La réponse en vidéo.