Comelart : « L’I.A. est l’une des premières technologies à remettre en question le travail de gens jusqu’ici protégés par le progrès. »

ComeIart est probablement le plus jeune artiste à avoir été interviewé depuis les débuts de IA Quoi ?, mais certainement pas le moins talentueux. Le clip Aled, qu’il a réalisé pour le rappeur Luther, impose une vision unique, avec ces immeubles surpeuplés perdus dans une zone quasi désertique et cette ambiance nihiliste ponctuée de taches de couleurs éclatantes.


Comelart
Clip "Aled" de Luther © Capture d’écran Instagram Comelart

Quel est votre parcours ?

J’ai 25 ans, je suis en dernière année d’école de design industrielle. En parallèle j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur à CentraleSupélec. J’ai toujours aimé la vidéo, en particulier tout ce qui a trait à l’image de synthèse. Il y a quelques années, un ami rappeur, $ouley, m’a proposé de faire le clip pour la chanson Du’llet. L’expérience m’a beaucoup plu et, grâce à ces premiers clips, une société de production, Omar Films, m’a contacté. J’ai donc réalisé un premier clip avec eux et déjà pour Luther.

Mossy Cobblestone était entièrement filmé à la l’épaule, avec une vieille caméra numérique. L’étalonneur du film était une légende du milieu, Didier LeFouest(1). Il m’a vraiment désinhibé sur l’utilisation de couleurs saturées, très exubérantes. Ainsi, sur le clip suivant, Aled, nous sommes partis sur des principes esthétiques similaires, mais en concevant tout avec l’I.A. cette fois.

Comment êtes-vous parvenus à obtenir une direction artistique aussi rigoureuse sur Aled ?

Une fois les principes du clip posés avec Luther, j’ai commencé par un prémontage avec des images trouvées sur Internet et, en parallèle, j’ai conçu une bible graphique pour définir le look des véhicules, des décors, etc. Par exemple, Luther et moi adorons le rose : et il était très intéressant d’avoir à la fois des choses très dures, dans les bâtiments ou les actions, et cette couleur plus douce, plus rassurante, plus festive.

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Ce cadre esthétique défini, nous avons embauché cinq artistes I.A. et, pendant un mois, nous sommes partis en développement. Nous avons commencé à générer des images fixes qui correspondaient à cette direction artistique et que nous retouchions ensuite par Photoshop. Puis nous passions à l’animation.

Il était important d’avoir cette vision précise parce que l’I.A. sort des choses très standardisées. Nous, à l’inverse, nous cherchions à emmener l’outil ailleurs tout en cassant sa perfection. Par exemple, si les personnages sont tous masqués, c’est aussi parce que nous voulions éviter d’avoir des visages trop parfaits, trop stéréotypés.

Nous avons aussi kinescopé quelques plans en refilmant avec une caméra vidéo les images générées. On a néanmoins un peu rétropédalé sur cette intention de départ, parce qu’il était au final plus intéressant d’assumer le fait que nous utilisions l’I.A.

En tant que jeune artiste, comment percevez-vous l’émergence controversée de l’I.A. ?

Ce qui est intéressant avec l’I.A., c’est que c’est l’une des premières technologies qui remette en question le travail de gens jusqu’ici protégés par le progrès, là où les autres technologies ont toujours rogné sur des métiers manuels, celui d’ouvriers par exemple. Mais je suis très enthousiaste, l’I.A. libère tellement de choses. Et puis l’outil est là, il vaut mieux s’en emparer, le dompter et l’assumer, plutôt que de l’ignorer.

(1) Étalonneur du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, 2046 ou encore The Fall.