
Sous l’objectif du photographe et plasticien allemand, pour qui « chaque image est une expérience », le concret se frotte toujours à l’abstrait. En se focalisant sur un simple détail, les corps, les objets et les lieux les plus prosaïques se muent en compositions à la fois cérébrales et sensuelles.
Doté d’une sensibilité hors pair, Wolfgang Tillmans photographie littéralement ce qu’il a sous les yeux, dans une volonté de restituer une expérience du regard qui recèle autant de visions poétiques que de sous-textes politiques.
Dans les 6 000 m2 de la BPI en friche, évidée de ses rayonnages de livres sans fin, un nouveau monde s’ouvre à lui : celui d’un savoir universel, absous de toute velléité commerciale, dont il enregistre visuellement la trace physique. Ce militant humaniste, passionné d’astronomie et de musique électronique (il a notamment réalisé une immense fresque photographique pour le club Berghain à Berlin et a quatre albums d’electro-pop à son actif) n’aime rien tant que de confronter son univers intime à la mécanique du vivant.
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Passé maître dans l’art de réaliser des tirages photographiques sans appareil, d’exposer sans cimaises et de méditer sur le statut de l’image au xxie siècle, Tillmans ne cesse de remettre en question sa pratique et de repousser inlassablement les limites du visible. Le simple cliché de la neige d’un écran de télévision dans une chambre d’hôtel à Saint-Pétersbourg devient la métaphore d’un autoritarisme qui s’infiltre insidieusement dans notre quotidien, tandis que les empreintes du mobilier sur les moquettes successives de la BPI révèlent les strates d’un passé historique.
Outre son travail photographique, Tillmans intègre dans cette vaste installation des œuvres en image animée, musique, son et textes, avec des contributions d’artistes issus de la performance.
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« Rien ne nous y préparait – Tout nous y préparait », à la BPI, Centre Pompidou, du 13 juin au 22 septembre
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