Qu’est-ce que tu fais pour les vacances ?

●● Où est-ce qu’on se marre ce mois-ci ? ●● Les recos de Renan Cros, journaliste culture et présentateur du Cercle séries sur Canal+.


vacances
© Atsushi Nishijima

Moi ? Je n’ai pas changé d’adresse. Je serai, je pense, un peu en avance au rendez-vous de nos promesses. Si, à la lecture de ces lignes, vous avez des images de brushing sur fond de saxo et de piano, et que les noms David et Jonathan vous disent quelque chose, vous êtes vieux. Ou alors vous avez des goûts musicaux qui nécessitent peut-être une intervention.

Désolé d’être aussi franc, mais je crois qu’il est temps qu’on soit tous et toutes lucides. Et si, cet été, on arrêtait de se mentir ? Osons dire que non, les enfants de nos potes qui pour la douzième fois du séjour « vous ont préparé un petit spectacle », tout ça à base de chorégraphies très approximatives de Blackpink, ce n’est pas le festival d’Avignon. Arrêtons de tergiverser des heures pour savoir ce qu’on va manger alors qu’on sait tous et toutes que ça finira par une salade de tomates-mozza avec un melon coupé en deux. Assumons clairement que oui, on préfère rester au bord de la piscine avec ce verre de rosé parce qu’on est en vacances, et que non, ce n’est pas « dommage » de ne pas visiter la région…

J’espère que lire ces lignes vous fait autant de bien qu’à moi de les écrire. Et je pourrais continuer la liste longtemps. Ça soulage de se dire les choses. Mais, ne vous inquiétez pas, tout ça reste entre nous. Parce que le problème, avec la lucidité, c’est que ça ne donne pas une très bonne image de soi. Ce n’est pas que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, c’est qu’elles sont souvent dures à entendre. Et c’est là que la comédie prend le relais.

Même si ce n’est pas très agréable, elle « dit les termes », comme disent les jeunes (preuve, s’il vous en fallait encore une, que j’ai rendu ma carte 12-25 depuis bien longtemps). Après, j’avoue accepter plus facilement qu’on me parle mal quand c’est Pedro Pascal qui me regarde dans les yeux. Dans Materialists, la réalisatrice Celine Song s’amuse ainsi avec les codes de la rom com chic pour nous dire un truc que personne n’ose s’avouer : c’est plus facile d’aimer un mec beau, riche et grand qu’un gentil gars qui galère. Ouch ! Moi qui ai grandi avec des films qui m’expliquaient que l’amour c’était un coup de foudre sur fond de Rock FM, qu’un libraire ringard pouvait tout à fait sortir avec Julia Roberts et qu’il suffisait d’enlever ses lunettes et de détacher ses cheveux pour passer de pou à bombe en un montage séquence, j’avoue, je tombe des nues.

Mais quand, dans le film, l’héroïne s’extasie plus sur la taille de son appartement que sur ce que Pedro Pascal est en train de lui faire, les rires et les regards fuyants dans la salle disent qu’elle vise juste. Ça pique, mais c’est bon. Même chose en littérature avec The Happy Couple de Naoise Dolan, dont le simple titre sent déjà le jeu de massacre. L’histoire des fiançailles d’un couple dont tout le monde sait qu’il ne devrait pas rester ensemble. Mais qui osera le leur dire ? C’est vif, c’est drôle et ça nous regarde de travers comme il faut. Un livre à la couverture rose bonbon, plein d’épines. À poser négligemment sur votre serviette de plage, histoire que ça tombe entre les mains des gens qui en ont besoin.

Materialists de Celine Song, Sony Pictures (1 h 49)

The Happy Couple de Naoise Dolan (Éditions de l’Olivier)