Lucie Antunes, compositrice : « Almodóvar a beaucoup bercé mon enfance »

Percussionniste et compositrice aux créations de grande envergure, elle est de retour avec « Draga », un projet collectif autour des « Guérillères » de Monique Wittig, initié et mis en voix par l’actrice Anna Mouglalis. Lucie Antunes présente cinq projets, dont une carte blanche, « Nuit sauvage », au festival Les Nuits de Fourvière, qui se tient jusqu’au 26 juillet à Lyon. Pour l’occasion, elle s’est livrée sur les films qui traversent sa musique.


Lucie Antunes
© Patricia Khan

3 B.O. qui vous inspirent pour composer de la musique ?

La B.O. d’Annette de Leos Carax [2021, ndlr] a fait que j’ai écrit Carnaval [son deuxième album, sorti en 2023, ndlr]. Le film en lui-même, je n’ai pas accroché – c’est quand même l’histoire d’un féminicide. Mais la musique [composée par les Sparks, ndlr] ! Une autre B.O. qui m’a beaucoup inspirée, c’est celle de The Hours [de Stephen Daldry, 2003, ndlr] composée par Philip Glass. La nostalgie de sa musique est magnifique. Et aussi les B.O. des films de Miyazaki pour la poésie, le rapport à la nature.

● ● À  LIRE AUSSI ● ● Alice Diop, Joël Pommerat… 3 performances à ne pas louper cet hiver

Décrivez-nous le projet Draga en 3 images de film.

If These Walls Could Talk 2 [Sex Revelations en VF, de Jane Anderson, Anne Heche et Martha Coolidge, 2000, ndlr], la scène où Chloë Sevigny enlève son casque de moto et va embrasser sa meuf [jouée par Michelle Williams, ndlr], c’est vraiment trop cool ! L’héroïne de Flashdance [campée par Jennifer Beals, ndlr] qui danse et qui fait de la soudure. Et puis Tout sur ma mère [de Pedro Almodóvar, 1999, ndlr], n’importe quelle image. Le projet Draga, c’est un collectif de femmes qui sont mes amies, mes sœurs, et qui a bouleversé ma vie. Ça a été comme un boom énorme, le fait de s’installer dans un studio ensemble et de répéter Wittig toute la journée, comme un mantra.

3 films qu’aurait pu réaliser Monique Wittig ?

J’ai demandé au groupe et voici ce qu’elles ont répondu : Born in Flames [de Lizzie Borden, 1983, ndlr] ! Ça a été notre inspiration : le collectif, la musique au centre, le fait que ce soit un faux documentaire et des femmes ultrapuissantes. Pauline (alias P.R2B) a dit Go Fish [de Rose Troche, 1995, ndlr] pour la joie lesbienne. Anna [Mouglalis, ndlr] a dit : « Une adaptation de Zami d’Audre Lorde », et elle a ajouté : « Que ce ne soit pas tout blanc, c’était important pour Monique. »

b98009a3 8dce 4432 a9d6 22ac644ae68f volver
D.R.

3 scènes de film qui vous ont donné du pouvoir en tant que musicienne ?

Almodóvar a beaucoup bercé mon enfance [Lucie Antunes vient d’une famille espagnole, ndlr]. Il y a une scène dans Volver [2006, ndlr], celle où Penélope Cruz chante la chanson du titre, il y a une sororité très puissante. Cette scène a été inspirante pour moi, il y a beaucoup d’émotions dans ce morceau. Ensuite, la toute dernière scène des Nouveaux Sauvages de Damián Szifrón [2015, ndlr]. J’adore le cinéma argentin, les femmes y sont souvent mises en avant comme des personnes fortes. C’est un mariage, la mariée comprend qu’il y a dans la salle une amante du marié. Elle pète les plombs, c’est un délire ! Et enfin, la dernière scène de Thelma et Louise [de Ridley Scott, 1991, ndlr], celle du saut en voiture. J’aurais pu te la citer dans toutes les questions que tu m’as posées.

3 ingrédients pour une « Nuit sauvage » ?

Pas de censure, être à l’écoute, et pas d’ego sur scène. Ce que je cherche à faire dans mon travail, c’est banaliser les minorités. On m’a donné cette carte blanche aux Nuits de Fourvière, j’ai été libre dans la création. Il y aura des textes engagés, ça demande beaucoup d’écoute. On vous ouvrira les portes de notre studio, on verra ce qui se passe.

● ● À  LIRE AUSSI ● ● Fatima Daas, Rebeka Warrior… 3 livres à dévorer cet été