Jo Spence à la Galerie Treize : l’image comme arme politique

Photographe, performeuse et activiste, Jo Spence (1934-1992) appartient à cette communauté d’artistes-activistes qui n’ont jamais couru après la gloire, mais se sont positionnées avec virulence contre la société de consommation. La galerie Treize, aussi engagée que les artistes qu’elle défend, lui consacre sa première exposition en France.


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© Objets pointus

« Photographier ses propres traumatismes avant qu’ils ne se referment » : c’est ainsi que Jo Spence définissait sa pratique autodidacte, née en marge des institutions artistiques. Issue d’un milieu ouvrier londonien, elle rejette les codes esthétiques de l’élite culturelle pour affirmer une démarche volontairement brute et amateure. Elle développe, notamment à travers le scrapbook et la photographie documentaire, une méthode antiesthétique nourrie par les luttes ouvrières du XXe siècle.

Dans les années 1970, elle cofonde avec Terry Dennett le Photography Workshop, visant à politiser la photographie populaire et à lui conférer une valeur artistique et marchande. Pour Spence, l’appareil photo, déjà présent dans de nombreux foyers prolétaires, est un outil d’émancipation : il peut documenter les réalités sociales et servir de levier critique. Diagnostiquée d’un cancer du sein à 48 ans, elle choisit de documenter sa maladie. Avec l’artiste Rosy Martin, elle invente la Photothérapie : un usage intime et politique de l’image qui redonne pouvoir et dignité au corps féminin, trop souvent confisqué par le regard médical.

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© Objets pointus

Ce geste précurseur du selfie est à la fois thérapeutique et militant. Jo Spence réinvente la photographie comme un espace de résistance et d’émancipation, mêlant autobiographie, activisme et pédagogie. Sa déconstruction féministe et conceptuelle des images – notamment la figure de Cendrillon dans la publicité – inspirera les figures majeures de la Pictures Generation, de Cindy Sherman à Ericka Beckman.

Jo Spence, à Treize, jusqu’au 22 novembre

Un projet de Georgia René-Worms en collaboration avec Gallien Déjean et Emmanuel Guy