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Irvine Welsh, quand le corps est rudement mis à l’épreuve

  • Bernard Quiriny
  • 2017-04-19

Obsédée par l’apparence physique, Lucy gère son corps – et celui des autres – comme une mécanique de précision ; elle méprise les faibles, les laids, les obèses, comme Lena Sorenson, sa nouvelle cliente, une jeune artiste en dépression qui noie son spleen dans la malbouffe. La mission de Lucy : « Redonner forme humaine à ce gros tas particulièrement coriace. » Elle ne reculera devant rien pour y parvenir, quitte à flirter avec l’ultraviolence. En même temps, les sculptures de Lena la fascinent. Bientôt, le dédain caustique qu’elle éprouve pour sa cliente se transforme en haine, puis en attirance équivoque… La critique anglo-saxonne a rapproché le nouveau livre d’Irvine Welsh de Trainspotting, son roman culte de 1993, à cause de leur thème commun, l’addiction.

Mais on serait plutôt tenté de le comparer à Recettes intimes de grands chefs, un conte fantastique de 2006 qui reste l’une de ses grandes réussites. Dans les deux cas, Welsh met en scène la relation d’êtres opposés qui se complètent et se détruisent, dans un jeu de miroirs cruel et subtil. La Vie sexuelle des sœurs siamoises tire son efficacité de la faconde hilarante de Lucy, jamais à court d’une vanne ou d’une insulte scabreuse – son discours est un véritable festival, joliment rendu par la traduction de Diniz Galhos. Welsh est plus à la peine en revanche avec les sous-intrigues qu’il injecte dans le récit, qu’il s’agisse des traumas sexuels passés de Lucy ou de l’histoire superflue des jumelles siamoises qui donnent son titre au livre, métaphore insistante pour lecteurs malcomprenants. Cette construction boiteuse fait du roman une demi-réussite, un pavé pop à la fois sympathique et bancal. On le dévore d’une traite malgré tout, avec une sorte de plaisir régressif et coupable, comme quand on plonge la main dans un paquet de chips à haute teneur calorique : on est loin de la grande gastronomie, mais c’est irrésistible.

« La Vie sexuelle des sœurs siamoises »
d’Irvine Welsh,
traduit de l’anglais
(Écosse) par Diniz Galhos
(Au diable vauvert, 505p.)

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