
Semeur de trouble, concepteur de jeux de pistes déroutants et de mythologies littéraires et musicales, le jeune dandy marseillais Edgar Sarin propose une exposition évolutive qui implique directement le spectateur dans le processus de création. Livrer, en morse, l’adresse d’un lieu où un prêtre orthodoxe lit un poème de l’artiste en alexandrin, agencer des sculptures à partir d’objets de récupération, enfouir sous terre des œuvres destinées à un collectionneur qui en ignore la localisation, convier des visiteurs par petits groupes pour assister à un rituel initiatique à minuit… Tels sont les protocoles imaginés par ce jeune artiste, ingénieur de formation, dont l’allure aristocratique semble venue d’un autre temps. En annexe à la publication d’une revue (L’Antichambre de la substance rayonnante) et à la création d’une société de réflexion (Le Cercle de La Horla), il réalise depuis 2013 un ensemble d’interventions et d’installations à huis clos. Il en résulte d’insolites assemblages – bougies, piano éventré, chaise suspendue en l’air par des cordes, pavés de granit, poutres de bois, bols en laiton…
Libérées de la gravité ou en équilibre précaire, ces sculptures in situ produisent les indices d’un récit allégorique qu’il convient d’interpréter à notre guise. Tout au long de sa nouvelle exposition, Sarin et son collectif La Méditerranée s’apprêtent à bâtir une agglomération de sculptures en terre – amphores et architectures dédiées à leur stockage – dont la fabrication sera en partie confiée au public. L’objectif est de constituer les vestiges d’une microsociété clandestine à laquelle les visiteurs sont invités à prendre part. Explorateur du champ des possibles, serpentant avec élégance entre mythologie littéraire et uchronie néo-situ, Sarin serait-il le dernier des utopistes ?
: « objectif : société », du 19 mai au 11 juillet au Centre d’art contemporain Chanot (Clamart)