C’est quand « être vieux » ?

●● Où est-ce qu’on se marre ce mois-ci ? ●● Les recos de Renan Cros, journaliste culture et présentateur du Cercle séries sur Canal+.


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"T'as pas changé" de Jérôme Commandeur Copyright 2025_CHAPTER2_ESKWAD

Cet été, j’ai eu 40 ans. Oh, pas la peine de bosser votre air étonné à base de : « Ah bon ! Mais tu ne les fais tellement pas… » Petit, 40 ans, ça me paraissait le bout du monde. Pour moi, c’est la fête d’anniversaire surprise pour mes parents durant laquelle, tandis que je m’endors sur un canapé, je regarde ces adultes à épaulettes et jean taille haute danser jusqu’au bout de la nuit sur du Patrick Bruel et du Michael Jackson. Ils ont l’air heureux, sereins, fiables, stables. Maîtres d’un monde qui, aujourd’hui, me dépasse totalement. Alors certes, par rapport à eux, je sais maintenant beaucoup trop de choses sur Patrick Bruel et Michael Jackson pour pouvoir sereinement me déhancher sur « Beat It » ou chanter à tue-tête « Place des grands hommes ».

Mais est-ce que c’est ça, vieillir ? Perdre ses illusions et faire avec ? À un moment donné, la gravité fait son effet. Et il faut rentrer, les gars. La fête est finie. « Pas tout à fait », répondent chacun à leur manière Orelsan et Jérôme Commandeur dans deux comédies qui leur ressemblent. Dans Yoroï et T’as pas changé, tous les deux ont l’art de transformer leur angoisse du temps qui passe en punchline. L’un rappe, l’autre décape. Avec, en ligne de mire, l’envie d’exorciser par le rire cette hyperlucidité : on ne sera jamais la meilleure version de soi-même. Comédie méchamment tendre, le film de Jérôme Commandeur convoque les « copains d’avant » pour regarder les calvities, les rides, les bedaines qui ont transformé une bande de cool kids en darons déprimés. Pour ma part, n’ayant jamais été cool, je me dis que la dégringolade devrait se faire en détente. Mais, pour ces trois héros-là, la descente est rude. Commandeur trouera leur parachute à coup de séquences gênantes, de microhumiliations du quotidien et de retrouvailles maladroites.

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Une comédie à l’ancienne, façon Bronzés, pour les aimer quand même, ces quinquas qui n’ont pas vu le temps passer. Orelsan, lui, pioche dans ses souvenirs de cinéma pour conjurer le futur. L’éternel ado coincé de Caen est devenu une mégastar et bientôt, lui aussi, un daron. Alors, comme une sorte de baroud d’honneur, le voici qui s’offre pour thérapie un film de série B rigolo-crado plein de fantômes dégueu et de bastons homériques. Un film d’ado rêvé, quelque part entre le merveilleux de Hayao Miyazaki, l’humour gonflé d’un Ghostbuster et l’introspection pop d’un épisode de Buffy contre les vampires. Moi, je n’ai pas d’armure pour combattre tous les fantômes. Ni même l’esprit abrasif de Commandeur pour les dézinguer d’une vanne. Tant que je pourrai me déhancher jusqu’au bout de la nuit sur un vieux tube des Spice Girls en oubliant que, demain, je le regretterai, je me dis qu’on fera les comptes plus tard. 40 ans, moi ? C’est vous qui le dites.