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« Millenium Actress » de Satoshi Kon

  • Michaël Patin
  • 2019-12-20

Un ciel étoilé sur lequel se découpe lentement une planète. Une plateforme spatiale qui s’ouvre telle une corolle. Un vaisseau majestueux sur sa rampe de lancement. Ce n’est pas un hasard si les premiers plans de Millennium Actress évoquent 2001: l’odyssée de l’espace. D’abord parce que Satoshi Kon, comme Stanley Kubrick, choisit de perturber nos sens pour faire passer ses réflexions philosophiques (sur la mort, l’amour, la mémoire). Mais aussi parce que ce deuxième long métrage (après Perfect Blue en 1997) parle avant tout du cinéma, de son obsession et de son influence. Sur le ponton de la navette, on assiste aux adieux d’une cosmonaute à un homme qui cherche à la retenir. «Ne partez pas ! Je vous en prie! lance-t-il en vain. Je ne fais que penser à vous.» Simultanément, un homme plus âgé, les yeux rivés à sa télévision sur laquelle défilent les images du compte à rebours, prononce cette dernière réplique. On comprend qu’il s’agit d’un film dans le film, dont il connaît les dialogues par cœur.

Et tandis que, sur l’écran, les vibrations de la fusée ébranlent la plateforme spatiale, un tremblement de terre bien réel se produit et le sort de son hypnose de spectateur. Ce n’est pas la première fois qu’on assiste à un tel glissement « méta », mais rarement la frontière entre niveaux de représentation aura paru si poreuse. On apprendra bientôt que ce cinéphile s’appelle Genya Tachibana, qu’il est journaliste, et qu’il s’apprête à rencontrer son actrice préférée, Chiyoko Fujiwara, ex-star du grand écran, retraitée depuis son rôle de cosmonaute. Satoshi Kon vient de nous livrer le manuel de Millennium Actress, qui ne cessera plus de basculer, d’un plan à l’autre, des images du présent à celles du passé, et des souvenirs de l’actrice à ceux de ses films. Un parti pris que seule l’animation pouvait rendre aussi fluide (le grain et l’usure de la pellicule n’existent plus, créant une continuité parfaite entre la réalité et la fiction, le vécu et l’illusion), et qui fait la splendeur de cette déclaration d’amour au cinéma… tournée sans caméra.

Millenium Actress de Satoshi Kon, ressortie en version restaurée le 18 décembre

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