NOUVELLE STAR · Aurélien Peyre : « Je suis frappé par les injonctions que reçoivent les jeunes hommes »

Le cinéaste de 33 ans signe « L’Épreuve du feu », un premier long d’une infinie sensibilité sur un jeune couple flamboyant, trop beau et trop grand pour cadrer avec le conformisme de leur groupe d’amis de vacances.


Aurélien Peyre
© Julien Liénard pour TROISCOULEURS

Aurélien Peyre sait capter tout ce que produit le regard des autres, qui valide, exclut, façonne. Saisir aussi ce qui circule entre les mots, ce que le groupe a de libérateur ou d’étouffant.

« Grandir seul, évoluer hors de l’hétérosexualité, m’a parfois fait me sentir isolé. Au collège, au lycée à Paris, je ne me sentais pas en phase avec les gens de mon âge, j’adorais Bette Davis, Marilyn Monroe… Pourtant, j’avais envie d’en être. » Il explorait déjà cette ambivalence dans ses moyens métrages, La Bande à Juliette (2016) et Coqueluche (2018). Dans ce dernier, il puisait autant dans la piraterie de Jacques Rozier que dans son empathie pour l’icône de téléréalité Loana ou dans les hyperféminités de Frank Tashlin pour raconter le mépris de classe et le poids des stéréotypes de genre subis par un jeune couple, jugé mal assorti.

« Je suis allé vers plus de naturalisme pour L’Épreuve du feu. »  Il y reprend, dans un élan plus contemporain, l’idée du couple formé par Hugo (Félix Lefebvre), un jeune homme timide, et Queen (Anja Verderosa), une esthéticienne lumineuse aux spectaculaires ongles strassés, tous deux faisant face aux diktats mouvants d’une bande, composant avec la norme, la marge, et leur propre épanouissement.

« Je suis frappé par les injonctions que reçoivent maintenant les jeunes hommes – jusqu’à la forme de leur mâchoire. » C’est l’une des plus puissantes réflexions du film : comment, alors que le corps replet d’Hugo se muscle, son univers social se reconfigure, l’amenant à intégrer les traits d’une masculinité hégémonique à laquelle il échappait.

À travers ce personnage, Aurélien Peyre demande comment s’émanciper. « Ce n’est peut-être pas la meilleure des réponses à destination des plus jeunes, mais pour moi c’est le temps qui a joué. »