5 choses à savoir sur Martin Ritt, cinéaste engagé et oublié

Cinéaste engagé, observateur d’une Amérique des années 1960 en pleine fracture, Martin Ritt (1914-1990) est l’auteur d’une œuvre sociale, engagée et oubliée, dont le film le plus célèbre reste « Norma Rae », portrait intense d’une syndicaliste. Jusqu’au 4 novembre, mk2 propose de revoir plusieurs de ses films, de « Hombre » au « Prête-nom », qui explorent les luttes syndicales, féministes, et la ségrégation raciale.


le plus sauvage
Le Plus Sauvage d'entre tous de Martin Ritt

L’engagement dans la peau

Est-ce ses origines juives polonaises, la perte de son père très jeune, qui ont fait de Martin Ritt un garçon sensible aux causes sociales de son temps ? Il a 15 ans lorsque la crise boursière éclate en 1929, et ces temps troublés le poussent à rejoindre le Federal Theatre Project, troupe engagée et humaniste impulsée par le gouvernement de Roosevelt. Il y mettra en scène des pièces de gauche, avant de s’engager dans l’US Air Force en 1941. Cette bravoure lui vaudra un petit rôle d’aviateur dans Winged Victory de George Cukor, en 1944.

Un regard humaniste

Plus tard, à Hollywood, cette trempe politique le poursuit : avec L’Homme qui tua la peur (1957), Les Sensuels (1957) et surtout Norma Rae (qui vaut à l’actrice Sally Field un Oscar en 1979), il met en scène des personnages syndiqués, travailleurs et ouvriers qui s’insurgent contre leurs conditions de travail en usine. En 1970, il immerge Sean Connery dans l’univers des mineurs de Pennsylvanie du XIXe siècle, avec Traître sur commande. L’humanisme et la volonté d’insuffler une dignité à des marginaux traverse sa filmographie.

Une victime de la chasse aux sorcières

Artisan d’un cinéma social aride, consacré à la lutte des classes et à la persécution des minorités raciales, Martin Ritt, dont l’esthétique est proche de celle de Sidney Lumet, devient vite la proie de l’administration maccarthyste. A partir de 1953, ses positions radicales et ses fréquentations (Elia Kazan, Joseph Losey) le placent tout en haut de la « Liste noire de Hollywood » – bien qu’il n’ait jamais adhéré au Parti Communiste. Banni de la télévision, il devient professeur d’art dramatique à l’Actor Studio.

Un grand directeur d’acteurs

C’est dans ce temple du jeu qu’il dirigera Joanne Woodward, Rod Steiger, James Dean, et surtout Paul Newman, complice devenu son acteur fétiche. Ensemble, ils tourneront Paris Blues, dans lequel Sidney Poitiers incarne un saxophoniste confronté au racisme, le western Le Plus sauvage d’entre tous, et The Outrage, adaptation mexicaine de Rashomon de Kurosawa. Au cours de sa carrière, Martin Ritt dirigera aussi Barbra Streisand, Jeanne Moreau et Richard Burton.

Son chef-d’œuvre : « Le Plus sauvage d’entre tous »

Puissante réflexion sur la violence masculine, ce western moderne raconte l’histoire de Ted (Paul Newman), fils d’une riche famille de fermiers au Texas, beau comme un Dieu, cruel et indifférent. Sur fond d’une épidémie de bestiaux, Martin Ritt filme l’affrontement entre un patriarche et son fils arriviste, symbole de deux générations irréconciliables. Au passage, il brosse le portrait d’une Amérique sudiste et rurale, obsédée par le profit. Un faux film de cowboys, où la finesse psychologique prévaut sur l’action.

Rétrospective au mk2 Bibliothèque jusqu’au 4 novembre