CinémaPETIT ÉCRANCultureQUEER GAZEDIVINE GANGI.A. QUOI ?Le magazine
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M

  • Julien Dokhan
  • 2019-03-22

Avec ce documentaire stupéfiant, la trop rare cinéaste française Yolande Zauberman lève le voile sur le tabou de la pédophilie au sein de la communauté juive ultraorthodoxe et signe une œuvre puissante comme un cauchemar.

Pour présenter Menahem au spectateur, Yolande Zauberman le filme alors qu’il chante, seul, sur une plage, la nuit. Il semble tout à la fois souffrir et se libérer – un sentiment ambivalent qui perdurera tout au long du film. Cet homme de 35 ans était autrefois un enfant prodige, adulé pour sa voix d’or. Mais la chanson qu’il ne pourra jamais oublier, c’est celle qu’il fredonnait dans sa tête, gamin, «pour ne pas penser au présent», à chaque fois qu’il était abusé sexuellement par un rabbin. Devant la caméra de Zauberman (à qui l’on doit notamment le mémorable Moi Ivan, toi Abraham en 1993), Menahem revient sur le lieu du crime, dix ans après l’avoir quitté : Bnei Brak, la banlieue de Tel-Aviv où il a grandi au sein d’une communauté hassidique. M prend la forme d’une odyssée nocturne au cours de laquelle Menahem part à la recherche de ses bourreaux, pour recueillir des aveux et engager un dialogue.

M de Yolande Zauberman,
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Immersion dans un univers secret

Au fil du voyage, il récolte les témoignages, nombreux, d’autres victimes – en voix off, Zauberman compare joliment sa caméra au joueur de flûte qui, dans le conte de Grimm, attire vers lui tous les enfants de la ville. Plus le film avance, et plus le spectateur, bercé par la musique d’Ibrahim Maalouf et par la musicalité de la langue yiddish, s’enfonce dans des eaux troubles. Car c’est bien d’une immersion qu’il s’agit, dans un univers à part et secret. Avec un mélange d’audace et de respect, la cinéaste capte de saisissants moments de vérité, comme la confrontation de Menahem avec ses parents. Dans une autre scène, Menahem explique que ceux qui deviennent religieux vont «vers la réponse» alors que lui, devenu laïque, a accompli le chemin inverse : il est allé «vers la question». On pourrait en dire autant de la démarche passionnante de Zauberman, qui filme au plus près et sans jugement les corps de ces hommes cachés sous un chapeau noir et des papillotes, unis par le sérieux de la prière, la joie de la danse et une terrible loi du silence.

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